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Vendémiaire

Blog d'actualité politique

France / Les conditions du « plus jamais comme avant » !

Publié le 7 Avril 2020 par Vendémiaire in France-Politique - société

France / Les conditions du « plus jamais comme avant » !

mardi 7 avril 2020

Par Évariste

« Il ne suffit pas d’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c’est de le transformer » : ce pastiche de la 11e thèse sur Feuerbach écrite par le jeune Marx en 1845, résume pour nous le processus à accomplir qui doit démarrer dès le jour d’après la fin du confinement. Car ce type de tâche ne peut s’engager que lors d’une crise paroxystique qui dévoile l’aporie d’un vieux système qui n’est plus capable d’être dirigé par sa vieille oligarchie sauf à entrer de plain-pied dans une démocrature (1) assumée en supprimant les derniers conquis démocratiques, laïques, sociaux et écologiques qui restent encore en fonctionnement.

Si nous « venons de subir d’incroyables défaites depuis des décennies », on pourrait utiliser la formule de Marc Bloch pour qualifier ces incroyables défaites d’« étranges défaites ». Non contents de dévoiler l’aporie du système politique actuel, si nous ne voulons pas simplement contester le système, mais bien nous saisir de ce processus constituant pour produire une bifurcation démocratique, laïque, sociale et écologique, il est nécessaire pour créer une pression efficace et efficiente de nous constituer autour d’une nouvelle ligne stratégique en rupture avec celle que nous avons utilisée hier.

Oui, il faut faire bloc mais sans ceux qui de près ou de loin participent au mouvement réformateur néolibéral (qu’il soit dans sa forme macroniste ou dans sa forme union des droites incluant l’extrême droite) et avec une autre ligne stratégique que celles qui nous ont confinés dans les grandes défaites de ces dernières décennies. Oui, il y a urgence car le mouvement réformateur néolibéral compte bien utiliser les crises actuelles (sanitaire, financière, laïque, démocratique, sociale, écologique) pour durcir encore la démocrature et supprimer l’entièreté des conquis sociaux. Oui, parce que la fenêtre du processus constituant est bien ouverte pendant cette crise paroxystique et ne le sera plus dans la séquence suivante. À trop attendre, nous ne pourrons que disserter sur la formule du général étasunien Douglas Mac Arthur : « Les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard ! ».

Et ne nous laissons pas leurrer par des proclamations du type de celle du chantre du capitalisme Patrick Artus (voir sa note du 30 mars 2020 https://www.research.natixis.com/Site/en/publication/hNRsI50ITmuQOkP9jW-8YQ%3D%3D?from=website) qui prédit la fin du capitalisme néo-libéral avec sa globalisation, sa concurrence fiscale, les délocalisations et la privatisation des profits de la protection sociale – même s’il souhaite la continuation du capitalisme sous une autre forme. Or la poursuite du capitalisme sous une autre forme ne peut être que le passage en démocrature avec restrictions des libertés publiques !

Gouverner, c’est prévoir !

Dans son imprévision criminelle le gouvernement macronien n’a pas prévu la gestion de crise, obnubilé par la privatisation des profits et la socialisation des pertes contre les services publics et la sécurité sociale ! (2) Car s’il l’avait fait, nous aurions eu les lits nécessaires avec ou sans réanimation, les personnels médicaux et paramédicaux en nombre et en qualité suffisants, les tests qui nous auraient permis d’appliquer la stratégie sud-coréenne de dépister toute la population et de ne confiner que les testés positifs, avec des masques de protection FFP2 et chirurgicaux pour tous! Au lieu de cela, nous avons été forcés au confinement généralisé comme au lors de la grande peste ! Avec comme conséquence une terrible future crise sociale, économique et financière. Le confinement généralisé n’est pas la méthode la plus efficace mais elle est la seule qui nous reste vu l’imprévision criminelle de nos dirigeants. Il ne s’agit pas d’erreurs ou d’incompétences, mais de choix politiques, ceux liés au capitalisme.

Trois dates méritent qu’on s’y arrête : le 29 février, c’est la priorité donnée au 49-3, le 7 mars, c’est l’incitation de Macron à des sorties théâtrales, le 12 mars, c’est le oui au premier tour de l’élection municipale ! Et une mesure qui n’est pas venue, celle de l’interdiction de payer des dividendes à l’oligarchie ! Alors que le manque de protection des salariés et les atteintes à leurs droits, c’est « en veux-tu, en voilà » par ordonnances !

Propositions mises en débat raisonné

Dans ce moment paroxystique, il faut une réponse à l’ensemble des crises existantes énumérées ci-dessus. Et pour cela, nous avons un modèle politique alternatif au modèle néolibéral, c’est celui de la République sociale, vocable né lors de la Révolution de 1848, utilisé lors de la Commune de Paris, puis lors du retour de la République avec Jean Jaurès et ses camarades. Ce modèle ressurgit lors des événements de 1936 puis fut la matrice et la pointe avancée du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) publié le 15 mars 1944.

Ce modèle reste, pour l’instant, la seule option politique alternative – à adapter aux conditions du XXIe siècle bien évidemment – qui soit évolutive, basée sur la stratégie de l’évolution révolutionnaire (Karl Marx 1850, puis Jaurès, Gramsci, etc.), avec l’extension de ses principes constitutifs, de ses ruptures nécessaires et de ses conditions indispensables dont celle de la socialisation progressive des entreprises (3). L’utilisation de ce modèle politique alternatif nous permet de penser « la double besogne » (lier les revendications immédiates au modèle politique vers lequel on souhaite tendre) dont parle tant la Charte d’Amiens du syndicalisme que la pensée jaurésienne dans le champ politique. Il s’agit de commencer à repenser et construire une société post-capitaliste.

La crise sanitaire due au virus Sars-Cov-2 doit nous amener à mettre la priorité sur les points suivants :

  • Sur les politiques de santé : en préalable, le retour à la définition de la santé de l’OMS en 1946, à savoir non seulement l’absence de maladies mais le bien être physique, mental et social.
    En pratique, sanctuarisation (y compris financière) et développement des services publics en général et de la santé et de la Sécurité sociale en particulier. Il s’agit là de refonder les services de santé et de Sécurité sociale autour des trois conditions révolutionnaires (démantelées par le mouvement réactionnaire de 1967 à nos jours) : financement séparé par le salaire socialisé de cotisation sociale ; gestion par les assurés eux-mêmes comme entre 1945 et 1967 et non par le le privé ou l’État ; application du principe de solidarité « à chacun selon ses besoins financés selon ses moyens ». Et comme la double besogne, ce sont aussi les mesures immédiates, il convient d’opérer tout de suite pour le système de santé en général, l’hôpital, les centres de santé et Ehpad publics en particulier, le rattrapage du manque de financement des dernières années. Sans oublier de remettre sur pied une gestion de crise prévisionnelle pour toute pandémie ultérieure disruptive (4).
    Or c’est tout le contraire que s’apprête à faire le dispositif macronien. Il suffit de lire la note de Laurent Mauduit et de Martine Orange dans Médiapart qui précise le plan concocté par la Caisse des dépôts et consignations à la demande du président Macron.ou la suppression de 598 postes et de 174 lits présentée le 4 avril dernier par le directeur de l’ARS du Grand Est dans une interview au journal l’Est républicain ! Il s’agit en fait, pour lui, de profiter de la crise sanitaire pour accélérer « la marchandisation de la santé et sa privatisation rampante ».
  • Concernant le service public en général, sur le plan militant, nous vous invitons à créer dans vos territoires des comités de promotion des services publics que vous pouvez rattacher à la Convergence nationale Services publics. (5)
  • Ne pas oublier les principes laïques ! Dans un communiqué du 23 mars 2020, le conseil scientifique créé pour « éclairer la décision publique » dans la crise sanitaire. considère le « soin pastoral » promu par les structures religieuses comme « essentiel dans toute réponse à une crise épidémique » et donc propose la « création d’une permanence téléphonique nationale d’accompagnement spirituel inter-cultes » (6). On est bien loin de la célèbre formule de Victor Hugo « je veux l’église chez elle, et l’État chez lui » !
  • Sur l’économie : là où la question de la production industrielle est posée au travers de la réorientation de la production vers les besoins sanitaires (ex. des appareils respirateurs plutôt que des voitures), il est important de d’imposer le pouvoir des salariés dans les entreprises. Socialisations, réquisitions et/ou relances d’usines fermées, sont autant d’opportunités de poser la question de ce qu’on produit, comment – dans une cohérence écologique sociale et démocratique – et d’imposer la démocratie dans les entreprises. (7).
  • Concernant la rupture écologique, pour ne pas se satisfaire de demi-mesures, rappeler, dire haut et fort que nous ne sommes pas dans l’ère de l’anthropocène mais bien dans celui du capitalocène. (8)

Reste pour reprendre l’idée du « double pouvoir » qu’il est nécessaire de s’appuyer principalement sur les mesures d’entraide et d’auto-organisation populaire sans chercher l’homme providentiel. On a eu « un homme idéal et providentiel comme président de la République en 2017 », cela nous suffit, non ?

Les « jours d’après », on ne pourra pas faire comme avant. Reprenons le rôle de citoyennes et de citoyens qui nous a été confisqué depuis des années. Que ce soit pour les Retraites, la Santé ou l’ensemble des Services Publics, mais aussi pour les processus de socialisation. Dès maintenant, reprenons les initiatives : relançons, d’abord virtuellement, puis tout de suite une fois le confinement levé, et en fonction des précautions sanitaires, les réunions publiques, syndicales, les comités de grève, les intersyndicales interprofessionnelles. Rediscutons ensemble des moyens de faire tomber le capitalisme, en préparant des mobilisations à la hauteur. Développons nos contacts ! Et celui établi entre nous !

 

Notes de bas de page

1. Un type de gouvernement qui passe d’une démocratie à une quasi-dictature par une succession de reculs démocratiques, pour aboutir in fine à un simulacre de démocratie
2. Voir le texte de Frédéric Pierru et André Grimaldi intitulé « L’hôpital, Le jour d’après »paru dans Le Monde diplomatique.
3. Une proposition d’actualisation a été mise en débat dans l’ouvrage Penser la République sociale au XXIe siècle que vous trouverez dans la Librairie militante de Respublica.
4. Voir les ouvrages de Frédéric Pierru et, dans notre Librairie militante, deux ouvrages sur la santé en général et sur la Sécurité sociale.
5. Site de la Convergence : https://www.convergence-sp.fr/ et contact : convergenceservicespublics@gmail.com
6. Voir le communiqué de l’UFAL
7. Voir la proposition de socialisation progressive des entreprises l’ouvrage cité ci-dessus : Penser la République sociale
8. L’Anthropocène définit une nouvelle ère géologique, succédant à l’holocène dans laquelle l’Homme a acquis une telle influence sur la biosphère qu’il en est devenu l’acteur central.
Face à l’émergence du concept d’Anthropocène, une perspective critique a récemment émergé. Désignant sensiblement la même réalité phénoménologique que l’Anthropocène, le Capitalocène est un concept qui prend comme point de départ l’idée que le capitalisme est le principal responsable des déséquilibres environnementaux actuels. Nous ne serions donc pas à « l’âge de l’homme » comme le sous-tend le concept d’Anthropocène, mais bien à « l’âge du capital ».
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