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Vendémiaire

Blog d'actualité politique

Afghanistan / Les taliban lapident une mère et sa fille

Publié le 14 Novembre 2011 par Françoise Causse/Vendémiaire in Appels

 Les taliban imposent de nouveau leur loi dans une large partie du territoire afghan, et ce de plus en plus fermement depuis deux ans. Le retour de ceux qui s’imposent par la terreur, tant redouté par les femmes afghanes, n’est plus une crainte infondée, c’est devenu une réalité.

 

La scène s’est passée mardi dernier, dans le quartier de Khawaja Hakim de la ville de Ghazni. Un groupe d’hommes armés ont enlevé une jeune veuve et sa fille, les ont traînées sur le lieu de l’exécution où elles ont été lapidées toutes les deux. A 300 mètres du bureau du gouverneur et du commissariat de police.

Peu d’informations nous sont parvenues jusqu’à présent sur ce drame, mais on sait que la mère a été accusée de « déviance morale et d’adultère ».

Bilal Sarwary, de la BBC qui vient de publier la dépêche, explique qu’à Ghazni, sur dix-huit arrondissements (districts), sept seulement sont encore contrôlés par l’Etat.

C’est un état de fait, désormais, les taliban sont de retour, omniprésents partout, présents presque partout, ils contrôlent une bonne partie du pays. De nouveau ils imposent leur loi aux populations, interdisent, terrifient, menacent, exécutent.

Ils ont pris le contrôle des shouras ou jirgas (assemblées traditionnelles des sages), où d’ordinaire les conflits se réglaient à l’amiable. Aujourd’hui, ils réclament et exigent des châtiments cruels. Et gare à ceux qui voudraient en référer à la justice, celle de l’Etat, celle qui garanti leurs droits devant la Constitution… Plusieurs « barbes blanches » l’ont payé de leur vie. A Ghazni, un responsable déplore « Personne du voisinage n’est venu nous prévenir à temps. » Evidemment. Quand la terreur règne, personne n’ose plus intercéder.

Le journaliste de la BBC constate que la violence s’est grandement accrue depuis plusieurs années à Ghazni. L’année dernière, une femme accusée du meurtre de sa belle-mère qui la traitait comme une esclave, a été exécutée par les taliban.

 

Mais il n’y a pas qu’à Ghazni. Le 9 août 2010, dans la province de Badghis, une jeune veuve enceinte, accusée d’adultère, Bibi Sanubar, 35 ans, a été exécutée par les taliban de trois balles dans la tête.

Le 16 août de la même année, à Kunduz, un jeune couple d’amoureux a été lapidé. Les images ont fait le tour du monde via Youtube. Les parents ne voulaient pas qu’ils se marient. Ils avaient fui au Pakistan. On leur a assuré que s’ils revenaient au village les parents accepteraient de les marier. Une fois rentrés, ils ont été enlevés, et conduits de force sur le lieu de leur exécution. Indignation partagée, souffrance ressentie à regarder ces images tournées à la va-vite par un des participants avec son téléphone portable. Le crime soulève le cœur, révolte les consciences.

Le 14 avril 2009, un autre jeune couple d’amoureux est abattu de trois balles dans la tête par les taliban devant la mosquée où fut prononcée la fatwa. Leur famille ne voulait pas de ce mariage. Même scénario, les jeunes gens avaient essayé de s’enfuir en Iran.

Bilal Sarwari fait ce constat amer : « les taliban emprisonnent et tuent ceux qui travaillent pour le gouvernement. Ils contrôlent les principaux axes routiers. Les chauffeurs sont régulièrement battus. Des fonctionnaires ont été decapités. Les taliban ont interdit les téléphones portables, les caméras vidéo et la musique, en dehors de celle des stations de radio taliban qui diffusent des chants hypnotiques.» Comme au « bon vieux temps » serait-on tentés de dire si cela ne réveillait une terrible douleur.

Le 5 décembre 2011, soit dix ans après la première Conférence de Bonn se tiendra de nouveau à Bonn l’opus II, durant laquelle la Communauté internationale et le gouvernement afghan vont discuter des engagements à prendre, et établir une nouvelle feuille de route. Nul de sait encore si les taliban y participeront. Les associations de femmes afghanes appuyées par la société civile tentent avec les faibles moyens dont elles disposent d’alerter les opinions publiques. Tout indique que les Occidentaux n’ont plus désormais d’yeux que pour les très importantes ressources minières dont regorge le pays. Et qu’ils sont prêts pour cela à obtenir « la paix » à n’importe quel prix. Il est clair que l’affaire est pliée.

 

Au pays des ONG, il y en a qui s’inquiètent du retrait des troupes étrangères prévues pour 2014, annonciateur d’une baisse des subventions, et d’un infléchissement des dons… Ils sont là depuis 30 ans. Qu’importe que ce soit avec ou sans les taliban, de toute façon, elles s’en sont déjà accommodées lorsqu’ils étaient au pouvoir à Kaboul. Ces ONG vous diront qu’elles sont pour un « rassemblement » pas pour une division et qu’après tout les taliban sont des Afghans, tout de même !

 

D’autres, heureusement, ont davantage de courage et osent parler de l’incontournable problème taliban et tentent de faire entendre leur voix ainsi que celles de la société civile afghane, dont tout le monde se fout. Ce ne sont pas celles-là qui sont invitées par Alain Juppé au Quai d’Orsay, lui qui s’est lancé dans une consultation il y a quelques jours, sans doute pour savoir quelle position définir à Bonn. Le voilà bien conseillé ! Comme d’habitude, comme autrefois… Les mêmes s’étaient exprimés, au même endroit, avant la venue de Massoud en France. Suite de cette entrevue, ni le Président, ni le Premier ministre de la France (Jacques Chirac et Lionel Jospin) ne daignèrent lui serrer la main… le tropisme pashtoune si présent chez nos universitaires et autres experts continue de faire son chemin… depuis si longtemps, beaucoup trop longtemps. Avec les intérêts financiers, les alliances, les marchés, les rétrocommissions qui suivent. Karachi hier. Demain…

 

Aujourd’hui les taliban font de nouveau régner la terreur en Afghanistan. L’alerte est lancée. Afghans et Afghanes ensemble. Relayez leurs cris, leurs appels. Le 5 décembre à Bonn tout sera décidé. Pour dix ans !

 

Françoise Causse

 

http://www.afghana.org/2012/?p=135

Transmis par Nicole Barrière

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