Monsieur le Premier Ministre,
Vous avez cru bon, lors d’une de vos dernières déclarations qui fut largement médiatisée par vos médias (ils sont tellement à vos ordres que l’on peut bien dire « vos » médias), de faire en quelque sorte appel à l’armée contre le peuple de France.
On dirait bien que les masques tombent lorsque la situation devient critique pour vous et vos semblables…
En effet, vous avez osé dans votre discours opposer « les soldats français blessés en Afghanistan » et qui défendraient une France « constructive », à « une société revendicatrice » qui, a contrario, détruirait donc la France. En dehors du fait qu’il s’agit là d’un procédé politique parfaitement méprisable, cela en dit long sur votre conception, à vous et aux vôtres, de la société française idéale : une société de citoyens qui, le doigt sur la couture, vous obéiraient au doigt et à l’œil. Inutile de s’étendre sur ce qu’une telle conception de la société implique comme régime politique…
Dans ce même discours vous osez (mais il est évident que vous ignorez ce que signifie le mot « vergogne ») opposer le courage de ces mêmes soldats à ce qui apparaît comme la lâcheté des citoyens de la « société revendicatrice ». C’est-à-dire, soit dit au passage, que vous traitez de lâches à peu près 80% de la population française. A ce sujet, laissez-moi vous dire, monsieur Fillon, qu’il faut bien plus de courage aux Français pour vous supporter, vous et vos semblables, que vous n’en aurez jamais en vous contentant de cracher vos invectives et vos mensonges. Plus de courage pour supporter une vie de travail, souvent pénible et mal payé, avec au bout une retraite minuscule que vous voulez encore réduire tout en allongeant la punition que vous infligez aux citoyens. Plus de courage pour supporter la précarité et le chômage, l’incertitude de l’avenir, la disparition progressive des services publics - avec les conséquences que l’on subit déjà, notamment sur le plan de la santé -, etc. En résumé pour supporter jour après jour une vie que vous et vos semblables rendez encore plus difficile. Toutes choses que vous ignorez, vous qui faites partie de la « noblesse républicaine ». Bref, vous êtes bien mal placé, monsieur Fillon, pour donner des leçons de courage. Et ce ne sont pas vos larmes de crocodile sur des soldats blessés qui donneront le change.
Tout cela sans même prendre en considération le procédé que vous employez, qui consiste à mettre en opposition deux choses qui n’ont rien à voir – le courage des soldats français en Afghanistan et les revendications légitimes d’une part écrasante de la population française. Rien à voir dans la façon dont vous les utilisez, tout au moins, car en fait un lien les unit : la Nation. Je me demande d’ailleurs ce qu’en pensent les soldats blessés que vous avez visités, car je doute que vous leur ayez demandé leur avis. Quoi qu’il en soit, il conviendra désormais que les citoyens se méfient lorsque par politesse ils vous serreront la main…. Décidément, votre gouvernement a de plus en plus de points communs avec une période sombre de notre histoire que l’on croyait révolue.
Mais ce qui console les près de 80% des Français qui contestent votre gouvernement (vous savez, les « lâches »…) c’est que pour en arriver à des procédés aussi méprisables vous devez vraiment être aux abois…
Michel Strausseisen