Près d’une trentaine d’intervenants pour dire leur volonté de voir cesser la guerre et le génocide contre le peuple palestinien, la reconnaissance de l’État de Palestine et la mise en place de la solution à deux États. Avec, pour la Palestine, la libération des territoires occupés, la fin de la colonisation et la désignation de Jérusalem Est comme capitale de la Palestine. C’était ce mercredi au siège du Parti communiste français, place du Colonel Fabien, à Paris, pour une conférence qui fera date : « Liberté pour la Palestine ».
Derrière les discours de Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, et d’Ahmed Saeed al-Tamimi, président du Conseil palestinien des droits de l’homme et membre du comité exécutif de l’OLP, toutes et tous ont répété la même nécessité et la même urgence de reconnaître -pour la France et les États européens qui ne l’ont pas encore fait- l’État de Palestine. Toutes et tous répètent que cela doit se faire sans conditions (contrairement à ce que veut Emmanuel Macron depuis ses dernières déclarations sur le sujet). Et pour les États ou les responsables politiques qui se montrent encore tièdes ou hésitants, c’est la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet qui porte l’argument : « Il faut inverser la logique. La reconnaissance ne peut plus attendre la paix. Elle est au contraire une étape indispensable sur le chemin de la paix et l’exigence de justice ! »
Secrétaire général du Parti du peuple palestinien, Bassam Al-Salhi abonde : « J’ai rencontré Emmanuel Macron et ses conseillers en 2018 et je lui ai demandé de reconnaître l’État de Palestine. Il m’a demandé de patienter afin de ne pas heurter Israël. Résultat, sept ans plus tard, nous avons un génocide. Toute temporisation conduit à une forme de complicité avec ce génocide. L’Europe tout entière ne peut fuir cette responsabilité. »
La date de la conférence coorganisée par l’OLP et le PCF n’est pas anodine. Elle fait référence au 4 juin 1967, la veille de l’offensive israélienne qui a mené à l’occupation de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. « Ce sont nos frontières de référence, a appuyé Fabien Roussel lors d’un discours d’introduction très applaudi. Et d’ajouter : « Notre boussole, c’est le droit international. Nous allons travailler pour une alliance internationale la plus large possible, pour l’arrêt de la guerre, le retour des otages, le départ de Netanyahou ». Il a aussi plaidé pour le droit au retour des réfugiés, la fin de l’occupation et de la colonisation. « Car, a-t-il dit, la reconnaissance de l’État de Palestine ne doit être une fin en soi. Elle doit être un début. Le début d’une Palestine libre, démocratique et laïque. La reconnaissance (comme l’ont déjà fait 148 États) doit être immédiate et sans conditions pour que la Palestine entre de plein droit dans la communauté des nations. »
Autant de revendications qui ont été maintes fois répétées par tous les intervenants de cette journée du 4 juin avec, bien sûr, Jérusalem-Est comme capitale de l’État de Palestine.
Toutes et tous ont également défendu la solution à deux États. Dans une déclaration finale, lue par le secrétaire général du Parti communiste français, il est bien précisé que « cette conférence s’est réunie avec pour objectif la constitution d’une ’’Coalition internationale pour la défense des droits du peuple palestinien et la protection du droit au retour’’, d’une alliance palestinienne, arabe et internationale, enracinée dans l’histoire du combat des peuples pour le progrès ».
Fabien Roussel, repris par les autres intervenants, a aussi demandé l’application des décisions de la Cour pénale internationale (CPI) et de la Cour internationale de Justice (CIJ). « La place de Netanyahou est au tribunal et derrières les barreaux, tout comme elle est celle des auteurs des crimes commis le 7 octobre 2023 et qui sont aujourd’hui utilisés par le Premier ministre israélien. »
« Nous ne demandons ni sympathie, ni pitié », a pour sa part déclaré Ahmed Saeed al-Tamimi, pour l’OLP. Après avoir rappelé l’histoire dramatique de la Palestine depuis les accords de Balfour jusqu’aux massacres terribles d’aujourd’hui et le génocide qui s’accomplit, il s’est dit convaincu que « l’organisation de la conférence par le PCF garantit que nous allons gagner. » Il a également cité les dirigeants français comme De Gaulle (pour l’autodétermination du peuple palestinien), Mitterrand (et son intervention à la Knesset pour la reconnaissance de la Palestine et la paix), Chirac (qui a marqué les consciences à Jérusalem devant une sécurité trop insistante). Aujourd’hui, comme de nombreux autres membres de l’OLP, Ahmed Saeed al-Tamimi veut croire en la volonté d’Emmanuel Macron et à ce qui va ressortir de la conférence internationale de l’ONU, le 17 juin.
Cet espoir a toutefois été tempéré par les propos de Maryse Artiguelong, vice-présidente de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) qui retient de nombreux griefs contre le président français. « Non, affirme-t-elle, ce ne sont pas les historiens qui doivent dire s’il y a génocide ou non. C’est aux dirigeants comme Emmanuel Macron et les dirigeants occidentaux de le dire tout de suite. »
Concernant les mobilisations en France, elle a regretté les entraves et interdictions (à l’époque notamment où Gérard Darmanin était ministre de l’Intérieur) des manifestations en soutien au peuple palestinien. « L’expression de la solidarité a été criminalisée » a dénoncé pour la part la présidente de la LDH, Nathalie Tehio.
Les conférenciers ont également beaucoup insisté sur l’attitude des nations occidentales « qui n’ont rien fait, sauf dire des mots » selon l’avocate Anisha Patel de l’association « Law for Palestine ». Cela n’a fait qu’encourager les crimes contre l’humanité d’Israël. L’envoi d’armes vers Israël doit cesser et l’Union européenne doit suspendre son contrat d’association commercial avec ce pays tant que les massacres perdureront, ont-ils répété.
Ces États se sont trop réfugiés derrière l’argument voulant « qu’Israël a le droit de se défendre ». Outre que la situation actuelle et les déclarations des ministres suprémacistes ne laissent plus de doute quant aux véritables intentions de l’État sioniste, Ralph Wilde, expert en droit international à l’université de Londres, a apporté un éclairage original et intéressant. Pour lui, la guerre de 1967 était illégale en termes de droit international. Par conséquent, l’usage de la force par Israël est illégal depuis 58 ans. « Elle est une violation du droit à l’autodétermination et donne lieu à un droit de résistance de la part du peuple palestinien, un droit qui n’inclut pas des attaques aveugles de civils. Mais, insiste-t-il, il ne peut y avoir de défense contre la défense. » CQFD. « L’usage de la force est illégal tant à Gaza qu’en Cisjordanie. »
Présents dans la salle ou en vidéo, plusieurs représentants des forces progressistes à l’étranger ont apporté leur soutien à l’initiative du PCF et de l’OLP. On citera la chypriote Marina Nikolaou, députée et membre du parti Akel, Walter Baier, président du Parti de la Gauche européenne, Marie-Louise Coleiro, ex-présidente de Malte, ou encore Kazuo Shii, président du comité central du Parti communiste japonais.
« Vous nous avez demandé de l’espoir. Nous sommes ici pour porter cet espoir ! » a promis Fabien Roussel à l’intention des membres de l’OLP. L’initiative du 4 juin restera exceptionnelle. Le PCF est le seul parti politique à être allé aussi loin dans son soutien au peuple palestinien et à son interlocuteur politique, l’OLP. Il s’appuie sur une expérience longue : le soutien à la lutte du peuple algérien, à celle du peuple vietnamien, la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud et pour la libération de Nelson Mandela. « À chaque fois, nous avons gagné ! » rappelle Fabien Roussel.
Reste à transformer l’essai, à renforcer la coalition et à maintenir la pression. Car l’urgence n’est hélas plus à démontrer. À Gaza, où les morts recensés sont plus de 54 000 et où la famine est désormais devenue une arme de guerre, ce n’est pas une crise humanitaire qui se joue, mais, comme le dit le président de Médecins sans frontières, Jean-François Corty, une « crise d’humanité. »