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Vendémiaire

Blog d'actualité politique

Les essais littéraires d’Aragon en Pléiade et ses textes de combat des années 30

Publié le 24 Mai 2025 par Vendémiaire in France - Culture, Histoire - textes fondamentaux - débats - biograph...

Les essais littéraires d’Aragon en Pléiade et ses textes de combat des années 30
 

La publication des Essais littéraires d’Aragon dans la pléiade chez Gallimard et la poursuite de l’édition de ses textes journalistiques par la Société des Amis de Louis Aragon et Elsa Triolet sont deux événements marquants de ce printemps littéraire.

Par François Eychart, Secrétaire de la Société des Amis de Louis Aragon et Elsa Triolet

Cette pléiade qui a mis des années à venir a été réalisée sous la direction d’Olivier Barbarant avec la collaboration de Marie-Thérèse Eychart et Dominique Massonnaud. La remarquable présentation, courte, mais très dense, restitue bien la richesse des essais littéraires d’Aragon qui apportent leur lumière à l’histoire littéraire française. Le lecteur peut ainsi avoir accès, dans leur continuité, à des textes comme Une Vague de rêve (en fait, le premier manifeste surréaliste), Traité du style, Pour un réalisme socialiste, La Lumière de Stendhal, Pour expliquer ce que j’étais, Je n’ai jamais appris à écrire et quelques autres dont D’un grand art nouveau, la recherche, avec les commentaires et l’appareil explicatif que le temps a rendu nécessaires, et qui sont, il faut le dire, eux aussi remarquables.

Pour autant, cette pléiade n’offre pas tous les textes indispensables à la connaissance d’Aragon dont on sait qu’on lui a assez reproché la dimension politique. Cela découle du parti pris de Gallimard de s’en tenir à un seul tome. Il manque donc certains textes des années 30, c’est-à-dire des années où, ayant rejoint le Parti communiste et décidé que c’est au sein de ce parti que se déroulerait son combat révolutionnaire, Aragon a pris la décision de lier littérature, culture et politique. C’est justement cette période que couvrent les n° 25 et 26 des Annales publiés par la Société des Amis de Louis Aragon et Elsa Triolet.

En ce temps, faut-il le rappeler, les militants comme les dirigeants politiques parlaient de révolution et de prise de pouvoir, les considérant comme des préalables nécessaires à l’émancipation des masses populaires. La culture était un élément actif du combat politique et des écrivains, plus nombreux qu’on ne croit, intervenaient dans les revues et les journaux pour que la littérature ne tourne pas le dos aux aspirations populaires, du moins ceux d’entre les écrivains qui pensaient que la littérature dépérirait si elle restait à l’écart de ce qui se jouait dans la société. Aragon était un des premiers et des plus brillants dans cet exercice qui consistait à mettre les romans qui paraissaient en rapport avec les exigences sociales du moment. Certains de ses articles étaient alors considérés comme des textes de combat. Aujourd’hui, le temps étant passé, on y verra des exemples de lucidité. Ils étaient publiés dans la revue Commune, dans L’Humanité, dans Ce soir, un quotidien fondé en 1937 dont il deviendra le directeur avec son ami Jean-Richard Bloch.

Quand on les lit maintenant, on ne peut qu’être frappé par la force de conviction de l’auteur, par l’élégance de son style, par la subtilité de l’argumentation. Dans les œuvres d’écrivains déjà célèbres comme Céline ou Montherlant, il cherche et trouve l’élément faible et instable, plus ou moins dissimulé, à partir de quoi, selon que l’auteur choisira de s’ouvrir aux intérêts du peuple ou de se replier sur lui-même, il basculera du bon ou du mauvais côté, vers le Front populaire ou Hitler.

Il est dommage que ces textes n’aient pas été repris dans cette pléiade, en particulier, Le Réalisme à l’ordre du jour, Défense du roman et Du réalisme dans le roman, qui y auraient retrouvé une seconde jeunesse. Le lecteur intéressé les lira dans le numéro 26 des Annales qui vient de paraître.

Au-delà de l’intérêt qu’ils conservent pour les historiens de la littérature, ils ne peuvent que passionner tout écrivain au seuil de sa carrière. Dans Du réalisme dans le roman se trouve cette exhortation : « Votre liberté ne peut être en contradiction avec le mouvement de l’histoire, elle est dans l’acceptation de ce mouvement. Votre liberté ne peut exister sans la connaissance et la compréhension des forces qui agissent sur vous. Sans cette connaissance et cette compréhension, vous ne serez jamais que des jouets hystériques du monde tel qu’il est. Votre liberté est dans l’acceptation de la réalité pour la transformation de cette réalité. »

Tout un programme toujours d’actualité !

Aragon, Essais littéraires, La Pléiade, Gallimard, 12010 pages, 80 euros ;

Aragon, Textes journalistiques de 1936-1937, Les Annales n° 26, 315 pages, Éditions Manifeste, 20 euros.

 

publié sur le site Liberté Actus' Abonnez-vous !

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