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Vendémiaire

Blog d'actualité politique

Interview du président russe Vladimir Poutine avec le journaliste Tucker Carlson. Texte complet

Publié le 11 Février 2024 par Vendémiaire in Europe Est & Centrale, International, Entretiens

Interview du président russe Vladimir Poutine avec le journaliste Tucker Carlson. Texte complet

[Article publié sur l'excellent site Histoire et Société : Marianne a commencé à traduire les 38 pages complètes de l’interview. Elle en a traduit ici une douzaine et continuera demain. Ici il y a l’histoire de la Russie, en Europe, tout ce qui mène au Maidan, et c’est passionnant. Espérons que malgré la censure, le pilonnage que subit la population française, il se trouvera quelques individus pour le lire et entamer une diffusion qui est indispensable à notre rôle citoyen confrontés au danger terrible d’une guerre mondiale et qui dévasterait le continent européen. Peut-être un jour il y aura des gens qui percevront ce qu’ils doivent au travail constant, non rémunéré et même pas gratifié de Marianne Dunlop. Pour le moment on est plutôt payés d’insultes et de rumeurs minables… (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop) https://www.pnp.ru/politics/intervyu-prezidenta-rf-vladimira-putina-zhurnalistu-takeru-karlsonu-polnyy-tekst.html  ]

 

1ère partie

Т. CARLSON (tel que traduit) : Monsieur le Président, merci beaucoup.

Le 24 février 2022, vous vous êtes adressé à votre pays et à votre nation lorsque le conflit en Ukraine a commencé. Vous avez dit que vous aviez agi parce que vous étiez arrivé à la conclusion qu’avec l’aide de l’OTAN, les États-Unis pourraient lancer une attaque surprise, une attaque contre votre pays. Pour les Américains, cela s’apparente à de la paranoïa.

Pourquoi pensez-vous que l’Amérique aurait pu lancer une attaque surprise contre la Russie ? Comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion ?

V. Poutine : Ce n’est pas que l’Amérique allait lancer une attaque surprise contre la Russie, je n’ai pas dit cela.

S’agit-il d’un talk-show ou d’une conversation sérieuse ?

Т. Carlson : C’est une excellente citation. Je vous remercie.

Nous avons une conversation sérieuse.

V. Poutine : Votre formation de base est historique, si j’ai bien compris, n’est-ce pas ?

Т. Carlson : Oui.

V. Poutine : Alors je vais me permettre – juste 30 secondes ou une minute – de faire un peu d’histoire. Cela ne vous dérange pas ?

Т. Carlson : S’il vous plaît, bien sûr.

V. Poutine : Ecoutez, où nos relations avec l’Ukraine ont-elles commencé, d’où vient l’Ukraine ?

L’État russe a commencé à se constituer en tant qu’État centralisé, on considère que l’année de la création de l’État russe est 862, lorsque les Novgorodiens (il y a une ville appelée Novgorod dans le nord-ouest du pays) ont invité le prince Riourik de Scandinavie, des Varègues, à régner. En 1862, la Russie a célébré le 1000e anniversaire de son existence en tant qu’État, et à Novgorod se trouve un monument dédié au 1000e anniversaire du pays.

En 882, le successeur de Riourik, le prince Oleg, qui remplissait en fait les fonctions de régent pour le fils en bas âge de Riourik, et Riourik est mort à ce moment-là, est arrivé à Kiev. Oleg écarte du pouvoir deux frères qui, semble-t-il, faisaient autrefois partie de la suite de Riourik, et c’est ainsi que la Russie commence à se développer, avec deux centres : Kiev et Novgorod.

La date suivante, très importante dans l’histoire de la Russie, est 988. C’est le baptême de la Russie lorsque le prince Vladimir, arrière-petit-fils de Riourik, baptise la Russie et adopte l’orthodoxie – le christianisme oriental. C’est à partir de cette date que l’État russe centralisé a commencé à se renforcer. Pourquoi ? Un territoire unifié, des communications économiques uniformisées, une seule langue et, après le baptême de la Russie, une seule croyance et l’autorité du prince. L’État russe centralisé commence à se former.

Mais pour diverses raisons, après l’introduction des règles de succession au trône – également dans le Moyen Âge – par Yaroslav le Sage, un peu plus tard, après sa mort, la succession au trône a été compliquée, elle n’a pas été transférée directement du père au fils aîné, mais du prince décédé à son frère, puis à ses fils en différentes lignées. Tout cela a conduit à la fragmentation de la Russie, qui avait commencé à prendre forme en tant qu’État unique. Il n’y a rien de particulier à cela, la même chose s’est produite en Europe. Mais l’État russe fragmenté devint une proie facile pour l’empire qu’avait créé Gengis Khan. Ses successeurs, le Khan Batyi, sont venus en Russie, ont pillé presque toutes les villes et les ont réduites en ruines. La partie méridionale, où se trouvait Kiev et d’autres villes, a tout simplement perdu son indépendance, tandis que les villes du nord ont conservé une partie de leur souveraineté. Elles payaient un tribut à la Horde, mais conservaient une partie de leur souveraineté. Puis, avec Moscou pour centre, l’État russe uni a commencé à se former.

La partie méridionale des terres russes, y compris Kiev, a commencé à être progressivement attirée par un autre “aimant” – ce centre qui se formait en Europe. Il s’agit du Grand-Duché de Lituanie. On l’appelait même “lituanien-russe”, car les Russes constituaient une part importante de cet État. Ils parlaient le vieux russe et étaient orthodoxes. Puis il y a eu une unification – l’union du Grand-Duché de Lituanie et du Royaume de Pologne. Quelques années plus tard, une autre union a été signée, déjà dans le domaine spirituel, et une partie des prêtres orthodoxes s’est soumise à l’autorité du pape. C’est ainsi que ces terres sont devenues partie intégrante de l’État polono-lituanien.

Mais pendant des décennies, les Polonais se sont livrés à la polonisation de cette partie de la population : ils y ont introduit leur langue, ont commencé à introduire l’idée qu’ils n’étaient pas tout à fait des Russes, que puisqu’ils vivaient près de [U] la frontière [kraï], ils étaient des Ukrainiens. À l’origine, le mot “Ukrainien” signifiait qu’une personne vivait à la périphérie de l’État, “près de la frontière”, ou qu’elle était engagée dans le service frontalier, en fait. Il ne désignait pas un groupe ethnique particulier.

Les Polonais faisaient donc tout leur possible pour poloniser cette partie des terres russes et la traitaient en fait de manière assez dure, voire cruelle. Tout cela a fait que ces régions ont commencé à se battre pour leurs droits. Ils ont écrit des lettres à Varsovie, exigeant que leurs droits soient respectés, afin que des personnes soient envoyées ici, y compris à Kiev…..

Т. Carlson : Quand cela s’est-il passé, dans quelles années ?

V. Poutine : C’était au XIIIe siècle.

Je vais vous raconter ce qui s’est passé ensuite, et je vais vous donner les dates pour qu’il n’y ait pas de confusion.

En 1654, un peu plus tôt, les gens qui contrôlaient le pouvoir dans cette partie des terres russes se sont adressées à Varsovie, pour demander de leur envoyer des personnes d’origine russe et de confession orthodoxe. Et comme Varsovie ne leur répondait pas et rejetait pratiquement ces demandes, ils ont commencé à s’adresser à Moscou pour que Moscou les leur envoie.

Pour que vous ne pensiez pas que j’ai inventé quelque chose, je vais vous donner ces documents…..

Т. Carlson : Je ne pense pas que vous ayez inventé quoi que ce soit, non.

V. Poutine : Et pourtant, ce sont des documents d’archives, des copies. Voici les lettres de Bogdan Khmelnitsky, l’homme qui contrôlait alors le pouvoir dans cette partie des terres russes que nous appelons aujourd’hui l’Ukraine. Il a écrit à Varsovie pour réclamer leurs droits et, après avoir essuyé un refus, il a commencé à écrire à Moscou pour leur demander de les placer sous la férule du tsar de Moscou. Voici [dans le dossier] des copies de ces documents. Je vous les laisse en souvenir. Il y a une traduction en russe, par la suite vous les traduirez en anglais.

La Russie n’a pas accepté ces documents tout de suite, car elle craignait une guerre avec la Pologne. Néanmoins, en 1654, le Zemsky Sobor (organe représentatif de l’autorité de l’ancien État russe) a pris une décision : cette partie des terres de l’ancienne Russie est devenue une partie du royaume de Moscou.

Comme on pouvait s’y attendre, la guerre avec la Pologne commença. Elle dura 13 ans, puis un armistice fut conclu. Et ce n’est qu’après la conclusion de cet acte de 1654, après 32 ans, je crois, que la paix avec la Pologne fut conclue, une “paix éternelle”, comme on disait à l’époque. Ces terres, toute la rive gauche du Dniepr, y compris Kiev, sont passées à la Russie, et toute la rive droite du Dniepr est restée à la Pologne.

Puis, à l’époque de Catherine II, la Russie a restitué toutes ses terres historiques, y compris le sud et l’ouest. Tout cela a duré jusqu’à la révolution. A la veille de la Première Guerre mondiale, profitant de ces idées d’ukrainisation, l’état-major autrichien a commencé à promouvoir très activement l’idée de l’Ukraine et de l’ukrainisation. On comprend pourquoi : parce qu’à l’approche de la guerre mondiale, on voulait bien sûr affaiblir l’ennemi potentiel, on voulait créer des conditions favorables dans la zone frontalière. Et cette idée, née en Pologne, selon laquelle les habitants de ce territoire n’étaient pas tout à fait russes, mais constituaient un groupe ethnique particulier, les Ukrainiens, a commencé à être promue par l’état-major autrichien.

Des théoriciens de l’indépendance ukrainienne sont apparus dès le XIXe siècle, qui parlaient de la nécessité de l’indépendance ukrainienne. Cependant, tous ces “piliers” de l’indépendance ukrainienne ont insisté sur la nécessité d’entretenir de très bonnes relations avec la Russie. Néanmoins, après la révolution de 1917, les bolcheviks ont tenté de restaurer la souveraineté d’État, une guerre civile s’est déroulée, y compris [la guerre] avec la Pologne. Une paix avec la Pologne a été signée en 1921, par laquelle la partie occidentale, sur la rive droite du Dniepr, est revenue à la Pologne.

En 1939, après que la Pologne a coopéré avec Hitler, car la Pologne a effectivement coopéré avec Hitler, Hitler a proposé (nous avons tous les documents dans nos archives) de faire la paix avec la Pologne, un traité d’amitié et d’alliance, mais a exigé que la Pologne rende à l’Allemagne ce que l’on appelle le corridor de Dantzig, qui reliait la partie principale de l’Allemagne à Königsberg et à la Prusse-Orientale. Après la Première Guerre mondiale, cette partie du territoire avait été cédée à la Pologne et la ville de Gdansk a remplacé Dantzig. Hitler leur a demandé de la céder pacifiquement, ce que les Polonais ont refusé. Ils ont néanmoins coopéré avec Hitler et ont participé ensemble à la partition de la Tchécoslovaquie.

 

Т. Carlson : Puis-je vous poser une question ? Vous dites qu’une partie de l’Ukraine est en fait une terre russe depuis des centaines d’années. Pourquoi ne les avez-vous pas prises il y a 24 ans, lorsque vous êtes devenu président ? Vous aviez des armes. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

V. Poutine : Je vais vous le dire, je suis en train de terminer ce récit historique. Il est peut-être ennuyeux, mais il explique beaucoup de choses.

Т. Carlson : Ce n’est pas ennuyeux, non.

V. Poutine : Bien. Je suis donc très heureux que vous l’ayez apprécié à ce point. Merci beaucoup.

Avant la Seconde Guerre mondiale, alors que la Pologne coopérait avec l’Allemagne, refusait de satisfaire aux exigences d’Hitler, mais participait néanmoins avec Hitler à la division de la Tchécoslovaquie, parce qu’elle ne renonçait pas au corridor de Dantzig, les Polonais ont forcé, ils ont joué à leurs jeux et ont forcé Hitler à commencer la Seconde Guerre mondiale à partir de là. Pourquoi la Pologne a-t-elle déclenché la guerre le 1er septembre 1939 ? Elle n’était pas coopérative. Hitler n’avait pas d’autre choix que de commencer la réalisation de ses plans avec la Pologne.

D’ailleurs, l’Union soviétique – j’ai lu les documents d’archives – s’est comportée très honnêtement, et l’Union soviétique a demandé à la Pologne la permission d’envoyer ses troupes pour aider la Tchécoslovaquie. Mais le ministre polonais des affaires étrangères de l’époque a déclaré que même si les avions soviétiques se dirigeaient vers la Tchécoslovaquie en traversant le territoire polonais, ils seraient abattus au-dessus du territoire polonais. Bon, ce n’est pas grave. Ce qui est important, c’est que la guerre a commencé et que la Pologne est devenue elle-même victime de la politique qu’elle avait menée à l’égard de la Tchécoslovaquie, car selon les fameux protocoles Molotov-Ribbentrop, une partie de ces territoires est allée à la Russie, y compris l’Ukraine occidentale. La Russie, sous le nom d'”Union soviétique”, retrouvait ainsi ses territoires historiques.

Après la victoire de la Grande Guerre patriotique, comme on appelle chez nous la Seconde Guerre mondiale, tous ces territoires ont finalement été attribués à la Russie, à l’Union soviétique. Et la Pologne, en guise de compensation, nous devons le supposer, a reçu les territoires occidentaux, à l’origine allemands : la partie orientale de l’Allemagne, une partie des terres, ce sont les districts occidentaux de la Pologne d’aujourd’hui. Et, bien sûr, elle a récupéré l’accès à la mer Baltique, elle a récupéré Dantzig, qui a retrouvé son nom polonais. C’est ainsi que cette situation s’est produite.

Lorsque l’Union soviétique a été formée en 1922, les bolcheviks ont commencé à former l’URSS et ont créé l’Ukraine soviétique, qui n’existait pas du tout jusque là.

Т. Carlson : C’est exact.

V. Poutine : En même temps, Staline a insisté pour que ces républiques en cours de formation soient incluses en tant qu’entités autonomes, mais pour une raison inconnue, le fondateur de l’État soviétique, Lénine, a insisté pour qu’elles aient le droit de quitter l’Union soviétique. Et, toujours pour des raisons inconnues, il a doté l’Ukraine soviétique en terres, en personnes vivant sur ces territoires, même s’ils n’avaient jamais été appelés Ukraine auparavant, pour une raison quelconque, lors de sa formation, tout cela a été “injecté” dans la RSS d’Ukraine, y compris toute la côte de la mer Noire, qui a été reçue à l’époque de Catherine II et qui, en fait, n’a jamais eu de relation historique avec l’Ukraine.

Même si l’on se souvient de 1654, lorsque ces territoires ont été rattachés à l’Empire russe, il y avait trois ou quatre régions de l’Ukraine actuelle, mais aucune région de la mer Noire. Il n’y avait tout simplement rien à objecter à cela.

Т. Carlson : En 1654 ?

V. Poutine : Oui, exactement.

Т. Carlson : Vous avez des connaissances encyclopédiques. Mais pourquoi n’en avez-vous pas parlé pendant les 22 premières années de votre présidence ?

V. Poutine : L’Ukraine soviétique a reçu un grand nombre de territoires qui n’ont jamais rien eu à voir avec elle, tout d’abord la côte de la mer Noire. Ces territoires s’appelaient autrefois Novorossiya lorsque la Russie les a obtenus à la suite des guerres russo-turques. Mais ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est que Lénine, le fondateur de l’État soviétique, a créé l’Ukraine exactement comme cela. La RSS d’Ukraine s’est donc développée pendant de nombreuses décennies au sein de l’URSS et les bolcheviks, également pour des raisons inconnues, se sont lancés dans l’ukrainisation. Non seulement parce qu’il y avait des natifs d’Ukraine à la tête de l’Union soviétique, mais aussi parce qu’une telle politique existait en général – elle était appelée “indigénisation”. Elle concernait l’Ukraine et d’autres républiques de l’Union. Des langues et des cultures nationales ont été introduites, ce qui, en général, en principe, n’était pas mauvais. Mais c’est ainsi que l’Ukraine soviétique a été créée.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’Ukraine a reçu une partie des territoires polonais d’avant la guerre – aujourd’hui l’Ukraine occidentale -, une partie des territoires hongrois et une partie des territoires roumains. La Roumanie et la Hongrie ont également vu une partie de leurs territoires intégrés à l’Ukraine soviétique et qui y sont encore aujourd’hui. Par conséquent, nous avons toutes les raisons de dire que l’Ukraine est, dans un certain sens, un État artificiel créé par la volonté de Staline.

Т. Carlson : Et pensez-vous que la Hongrie a le droit de reprendre ses terres ? D’autres nations peuvent-elles reprendre leurs terres et peut-être ramener l’Ukraine aux frontières de 1654 ?

V. Poutine : Je ne sais pas comment revenir aux frontières de 1654. L’époque du règne de Staline est appelée le régime stalinien, tout le monde parle du fait qu’il y a eu de nombreuses violations des droits de l’homme, des violations des droits des autres États. En ce sens, bien sûr, il est tout à fait possible, sinon de dire qu’ils ont le droit de le faire – de reprendre ces terres qui sont les leurs, alors, au moins, c’est compréhensible….

Т. Carlson : Avez-vous dit à Orban qu’il pourrait récupérer une partie des terres ukrainiennes ?

V. Poutine : Je ne l’ai jamais fait. Jamais, pas une seule fois. Lui et moi n’avons même pas eu de conversation à ce sujet. Mais je sais pertinemment que les Hongrois qui vivent là-bas veulent bien sûr retrouver leur patrie historique.

D’ailleurs, je vais vous raconter une histoire très intéressante, je vais faire une parenthèse, c’est une histoire personnelle. Au début des années 80, j’ai quitté Leningrad, Saint-Pétersbourg, en voiture, pour traverser l’Union soviétique en passant par Kiev, je me suis arrêté à Kiev, puis je me suis rendu en Ukraine occidentale. Je suis entré dans une ville appelée Beregovo, et tous les noms des villes et des villages sont en russe et en hongrois, une langue que je ne comprends pas. En russe et en hongrois. Pas en ukrainien, mais en russe et en hongrois.

Je traversais un village, des hommes en costume trois pièces noir et des chapeau haut-de-forme noirs étaient assis près des maisons. J’ai demandé s’ils étaient des artistes. On m’a répondu : non, ce ne sont pas des artistes, ce sont des Hongrois. J’ai dit : “Que font-ils ici ? “. “C’est leur terre, ils vivent ici”. Tous les noms en hongrois ! À l’époque soviétique, dans les années 80. Ils conservent la langue hongroise, les noms, tous les costumes nationaux. Ils sont hongrois et se sentent hongrois. Et bien sûr, lorsqu’il y a une violation…..

Т. Carlson : Oui, je pense qu’il y a beaucoup de cela. Il est probable que de nombreux pays soient mécontents des changements de frontières survenus au cours du XXe siècle et avant. Mais le fait est que vous n’avez rien dit de tel avant, jusqu’en février 2022. Et vous avez parlé du fait que vous vous sentiez physiquement menacé par l’OTAN, en particulier par la menace nucléaire, ce qui vous a incité à agir. Est-ce que je vous ai bien compris ?

V. Poutine : Je comprends que mes longs dialogues ne font probablement pas partie du genre de l’interview. C’est pourquoi je vous ai demandé au début : allons-nous avoir une conversation sérieuse ou un spectacle ? Vous avez répondu “une conversation sérieuse”. Alors, s’il vous plaît, ne vous offusquez pas.

Nous sommes arrivés au moment où l’Ukraine soviétique a été créée. Puis, en 1991, l’Union soviétique s’est effondrée. Et tout ce que l’Ukraine avait reçu en cadeau de la Russie, offert généreusement, elle l’a emporté avec elle.

J’en viens à un moment très important de cette conversation. Après tout, l’effondrement de l’Union soviétique a été initié par les dirigeants russes. Je ne sais pas ce qui a guidé les dirigeants russes à l’époque, mais je soupçonne qu’ils avaient plusieurs raisons de penser que tout irait bien.

Tout d’abord, je pense que les dirigeants russes s’appuyaient sur les fondements de la relation entre la Russie et l’Ukraine. En effet, une langue commune – 90 % des habitants parlent russe -, des liens de parenté – une personne sur trois a des liens de parenté ou d’amitié -, une culture commune, une histoire commune et, enfin, une religion commune, le fait d’être au sein d’un même État depuis des siècles, une économie fortement interconnectée – tous ces éléments sont fondamentaux. Tous ces éléments sous-tendent l’inévitabilité de nos bonnes relations.

La deuxième chose est très importante, et je veux que vous, en tant que citoyen américain, et vos téléspectateurs l’entendent également : les dirigeants russes précédents ont supposé que l’Union soviétique avait cessé d’exister, qu’il n’y avait plus de lignes de démarcation idéologiques. La Russie est allée volontairement et proactivement jusqu’à l’effondrement de l’Union soviétique et a supposé que cela serait compris par ce que l’on appelle – déjà entre guillemets – “l’Occident civilisé” comme une proposition de coopération et d’alliance. C’est ce que la Russie attendait des États-Unis et de ce que l’on appelle l’Occident collectif dans son ensemble.

Il y avait des gens intelligents, y compris en Allemagne. Egon Bahr, un homme politique important du parti social-démocrate, a insisté personnellement dans ses conversations avec les dirigeants soviétiques avant l’effondrement de l’Union soviétique sur la nécessité de créer un nouveau système de sécurité en Europe. Il fallait aider l’Allemagne à s’unir, mais aussi créer un nouveau système incluant les États-Unis, le Canada, la Russie et d’autres pays d’Europe centrale. Et il ne fallait pas que l’OTAN s’étende. C’est ce qu’il a dit : si l’OTAN s’étend, tout sera comme pendant la guerre froide, mais plus près des frontières de la Russie. C’est tout. Un bonhomme intelligent. Personne ne l’écoutait. D’ailleurs, il s’est fâché une fois (nous avons aussi cette conversation dans nos archives) : si, dit-il, vous ne m’écoutez pas, je ne reviendrai plus jamais à Moscou. Il était en colère contre les dirigeants soviétiques. Il avait raison, tout s’est passé comme il l’avait dit.

Т. Carlson : Oui, bien sûr, ses paroles se sont réalisées, vous en avez parlé à de nombreuses reprises, je pense que c’est tout à fait vrai. Et beaucoup de gens aux États-Unis pensaient aussi que les relations entre la Russie et les États-Unis seraient normales après l’effondrement de l’Union soviétique. Or, c’est le contraire qui s’est produit.

Cependant, vous n’avez jamais expliqué pourquoi selon vous tout cela a pu se produire, pourquoi cela s’est produit. Oui, l’Occident a peut-être peur d’une Russie forte, mais il n’a pas peur d’une Chine forte.

V. Poutine : L’Occident craint davantage une Chine forte qu’une Russie forte, parce que la Russie compte 150 millions d’habitants et la Chine 1,5 milliard, et que l’économie chinoise croît à un rythme effréné – cinq et demi pour cent par an, parfois même plus. Mais cela suffit à la Chine. Bismarck a dit un jour : l’essentiel, ce sont les potentiels. Le potentiel de la Chine est colossal ; c’est aujourd’hui la première économie du monde en termes de parité de pouvoir d’achat et de volume économique. Elle a déjà dépassé les États-Unis depuis un certain temps, et le rythme s’accélère.

Nous n’allons pas parler de qui a peur de qui, nous n’allons pas parler dans ces catégories. Parlons plutôt du fait qu’après 1991, alors que la Russie s’attendait à être intégrée dans la famille fraternelle des “nations civilisées”, rien de tel ne s’est produit. Vous nous avez trompés – quand je dis “vous”, je ne parle pas de vous personnellement, bien sûr, mais des États-Unis – vous nous avez promis qu’il n’y aurait pas d’expansion de l’OTAN vers l’est, mais cela s’est produit cinq fois, cinq vagues d’expansion. Nous avons tout supporté, nous les avons persuadés, nous avons dit : ne le faites pas, nous sommes des vôtres maintenant, comme on dit chez nous, des bourgeois, nous avons une économie de marché, nous n’avons pas le pouvoir du parti communiste, trouvons un accord.

En outre, je l’ai également dit publiquement – prenons maintenant le temps d’Eltsine – il y a eu un moment où “un chat gris est passé entre nous”. Avant cela, Eltsine s’était rendu aux États-Unis, souvenez-vous, il avait pris la parole devant le Congrès et avait prononcé ces mots merveilleux : “Que Dieu bénisse l’Amérique”. Il a tout dit, c’était des signaux : laissez-nous entrer.

Non, lorsque les événements en Yougoslavie ont commencé… Avant cela, Eltsine était cajolé et loué – dès que les événements en Yougoslavie ont commencé et qu’il a élevé la voix pour les Serbes, et nous n’avons pas pu nous empêcher d’élever la voix e faveur des Serbes, pour les défendre… Je comprends qu’il y avait des processus compliqués là-bas, je comprends. Mais la Russie ne pouvait pas ne pas élever la voix pour les Serbes, parce que les Serbes sont aussi une nation spéciale, proche de nous, avec une culture orthodoxe, etc. C’est un peuple qui souffre depuis des générations. Peu importe, ce qui compte, c’est qu’Eltsine se soit exprimé en faveur de la Serbie. Qu’ont fait les États-Unis ? En violation du droit international, de la Charte des Nations unies, ils ont commencé à bombarder Belgrade.

Les États-Unis ont laissé le génie sortir de la bouteille. D’ailleurs, lorsque la Russie s’est opposée et a exprimé son indignation, qu’a-t-on dit ? La Charte des Nations unies, le droit international sont obsolètes. Aujourd’hui, tout le monde se réfère au droit international, mais à l’époque, on commençait à dire que tout était dépassé, qu’il fallait tout changer.

En effet, certaines choses doivent être changées, parce que l’équilibre des pouvoirs a changé, c’est vrai, mais pas de cette manière. Oui, d’ailleurs, ils ont tout de suite commencé à dénigrer Eltsine, à dire qu’il était alcoolique, qu’il ne comprenait rien, qu’il n’avait pas de sens. Lui, il a compris et il a bien compris, je vous l’assure.

Bon, je suis devenu président en 2000. Je me suis dit : d’accord, la question yougoslave est réglée, il faut essayer de rétablir les relations, d’ouvrir cette porte par laquelle la Russie essayait de passer. Et d’ailleurs, j’en ai déjà parlé publiquement, je peux le répéter, lors d’une réunion ici au Kremlin avec Bill Clinton sur la fin de son mandat – ici même dans la pièce voisine – je lui ai dit, je lui ai posé une question : écoutez, Bill, que pensez-vous, si la Russie soulevait la question de l’adhésion à l’OTAN, pensez-vous que ce serait possible ? Soudain, il m’a répondu : vous savez, vous savez, c’est intéressant, je pense que oui. Et le soir, lorsque nous l’avons rencontré au dîner, il a dit : vous savez, j’ai parlé à mon équipe – non, ce n’est pas possible maintenant. Vous pouvez lui demander, je pense qu’il entendra notre interview – il le confirmera. Je ne dirais jamais une chose pareille si ce n’était pas le cas. OK, ce n’est pas possible maintenant.

Т. Carlson : Étiez-vous sincère à l’époque ? Auriez-vous rejoint l’OTAN ?

V. Poutine : Ecoutez, j’ai posé la question : est-ce possible ou non ? Et j’ai reçu la réponse : non. Si je n’étais pas sincère dans mon désir de connaître la position des dirigeants…..

Т. Carlson : Et s’il avait dit oui, auriez-vous rejoint l’OTAN ?

V. Poutine : S’il avait dit oui, le processus de rapprochement aurait commencé, et finalement il aurait pu avoir lieu si nous avions vu le désir sincère des partenaires de le faire. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Eh bien, si c’est non c’est non, d’accord, très bien.

Т. Carlson : Comment pensez-vous que cela s’est produit ? Quelles étaient les raisons ? Je comprends que vous soyez amer à ce sujet, je le comprends. Mais pourquoi pensez-vous que l’Occident vous a rejetés à ce point ? D’où vient cette hostilité ? Pourquoi les relations ne se sont-elles pas améliorées ? Quels en étaient les motifs, de votre point de vue ?

V. Poutine : Vous avez dit que je ressentais de l’amertume face à leur réponse. Non, ce n’est pas de l’amertume, c’est juste un constat. Nous ne sommes pas un couple marié, et l’amertume et le ressentiment ne sont pas des substances que l’on retrouve dans de tels cas. Nous avons juste réalisé que nous n’étions pas les bienvenus, c’est tout. Bon, bon. Mais construisons des relations d’une manière différente, cherchons un terrain d’entente. Vous devriez demander à vos supérieurs pourquoi nous avons reçu une réponse aussi négative. Je ne peux que deviner pourquoi : un pays trop grand avec ses propres opinions, etc. Et les États-Unis – j’ai vu comment les problèmes sont résolus à l’OTAN….

Je vais vous donner un autre exemple, concernant l’Ukraine. Les dirigeants américains “font pression” – et tous les membres de l’OTAN votent docilement, même si ça ne leur plaît pas toujours. Je vais vous dire à ce propos ce qui est arrivé à l’Ukraine en 2008, bien que cela fasse l’objet d’un débat, je ne vous apprendrai rien de nouveau ici.

Néanmoins, après cela, nous avons essayé de construire des relations de différentes manières. Par exemple, lors des événements au Moyen-Orient, en Irak, nous avons établi des relations avec les États-Unis avec beaucoup de courtoisie et de calme.

J’ai soulevé à plusieurs reprises la question de savoir si les États-Unis devaient soutenir le séparatisme ou le terrorisme dans le Caucase du Nord. Mais ils ont continué à le faire. Les États-Unis et leurs satellites ont apporté un soutien politique, un soutien en matière d’information, un soutien financier et même un soutien militaire à des formations terroristes dans le Caucase.

J’ai un jour soulevé cette question avec mon collègue, le président des États-Unis. Il m’a dit : ce n’est pas possible, avez-vous des preuves ? J’ai répondu : oui. J’étais prêt pour cette conversation et je lui ai donné ces preuves. Il les a examinées et vous savez ce qu’il a dit ? Je m’excuse, mais c’était comme ça, je cite texto, il a dit : eh bien, je vais leur botter le cul. Nous avons attendu et attendu une réponse, mais il n’y a pas eu de réponse.

J’ai dit au directeur du FSB : écrivez à la CIA, avez-vous obtenu des résultats de la conversation avec le président ? J’ai écrit une fois, deux fois, puis nous avons reçu une réponse. Nous avons la réponse dans les archives. La CIA a répondu : nous avons travaillé avec l’opposition en Russie ; nous pensons que c’est une bonne chose et nous continuerons à travailler avec l’opposition. C’est drôle. Enfin. Nous avons compris qu’il n’y aurait pas de conversation.

Т. Carlson : L’opposition contre vous ?

V. Poutine : Il s’agissait dans ce cas des séparatistes évidemment, des terroristes qui ont combattu contre nous dans le Caucase. C’est de cela qu’ils parlaient. Ils l’appelaient l’opposition. C’est le deuxième point.

Le troisième point, très important, est celui de la création du système américain de défense antimissile, au début. Nous avons longtemps persuadé les États-Unis de ne pas le faire. En fait, après avoir été invité par le père de Bush Junior, Bush Senior, à lui rendre visite à l’étranger, j’ai eu une conversation très sérieuse avec le président Bush et son équipe. J’ai suggéré que les États-Unis, la Russie et l’Europe créent ensemble un système de défense antimissile, dont nous pensons qu’il est aujourd’hui créé unilatéralement et qu’il menace notre sécurité, bien que les États-Unis aient officiellement déclaré qu’il était créé pour contrer les menaces de missiles en provenance de l’Iran. C’est également la raison d’être du système de défense antimissile. J’ai suggéré de travailler à trois – la Russie, les États-Unis et l’Europe. Ils m’ont répondu que c’était très intéressant. Ils m’ont demandé : êtes-vous sérieux ? J’ai répondu : absolument.

Т. Carlson : Quand était-ce, en quelle année ?

V. Poutine : Je ne me souviens pas. C’est facile à trouver sur Internet quand j’étais aux États-Unis à l’invitation de Bush père. Il est encore plus facile de le découvrir maintenant, je vais vous dire de qui.

On m’a dit : c’est très intéressant. J’ai dit : imaginez que nous travaillions ensemble sur un tel défi stratégique de sécurité mondiale. Le monde changerait. Nous aurons probablement des différends, probablement économiques et même politiques, mais nous changerons radicalement la situation dans le monde. On me dit [en réponse] : oui. On me demande : êtes-vous sérieux ? Je réponds : bien sûr. Il faut y réfléchir, me dit-on. Je répondu : s’il vous plaît.

Puis le secrétaire à la défense Gates, ancien directeur de la CIA, et la secrétaire d’État Rice sont venus ici, dans ce bureau où nous vous parlons en ce moment. Ici même, à cette table, de l’autre côté de la table, vous voyez cette table, ils se sont assis de ce côté. Moi, le ministre des affaires étrangères, le ministre russe de la défense – de l’autre. Ils m’ont dit : oui, nous y avons réfléchi, nous sommes d’accord. J’ai dit : Dieu merci, c’est très bien. – « Mais avec quelques exceptions ».

Т. Carlson : Vous avez donc décrit à deux reprises comment les présidents américains ont pris des décisions que leurs équipes ont ensuite fait dérailler ?

V. Poutine : Exactement. En fin de compte, bien sûr, on nous a envoyés sur les roses. Je ne vous donnerai pas les détails, parce que je pense que c’est incorrect, parce qu’il s’agissait d’une conversation confidentielle. Mais le fait que notre proposition ait été rejetée est un fait.

C’est à ce moment-là que j’ai dit : “Écoutez, mais alors nous serons obligés de prendre des mesures de rétorsion. Nous créerons des systèmes de frappe qui viendront certainement à bout du système de défense antimissile ». La réponse a été : nous ne faisons pas cela contre vous, et vous faites ce que vous voulez, à condition que ce ne soit pas contre nous, pas contre les États-Unis. J’ai dit : d’accord. Nous l’avons fait. Nous avons créé des systèmes hypersoniques à portée intercontinentale et nous continuons à les développer. Nous sommes aujourd’hui en avance sur tous les autres pays en matière de création de systèmes de frappe hypersoniques : les États-Unis et d’autres pays, et nous les améliorons chaque jour.

Mais ce n’est pas nous qui avons fait ça, nous avons proposé d’emprunter une voie différente et nous avons été rejetés.

À propos de l’expansion de l’OTAN à l’est, ils ont promis : pas d’OTAN à l’est, pas un pouce vers l’est, comme on nous l’a dit. Et ensuite, qu’est-ce qui s’est passé ? Ils ont dit : « Eh bien, ce n’est pas fixé sur le papier, alors nous allons nous étendre ». Cinq élargissements, ils ont inclus les États baltes, toute l’Europe de l’Est, etc.

J’en viens maintenant à l’essentiel : ils sont arrivés jusqu’à l’Ukraine. En 2008, lors du sommet de Bucarest, ils ont déclaré que les portes de l’Ukraine et de la Géorgie étaient ouvertes à l’OTAN.

Voyons maintenant comment les décisions sont prises là-bas. L’Allemagne et la France semblaient s’y opposer, ainsi que d’autres pays européens. Mais ensuite, le président Bush, qui est, n’est-ce pas, un homme si dur, un politicien si dur, comme on me l’a dit plus tard : il a fait pression, et nous avons dû accepter. C’est drôle, on se croirait au jardin d’enfants. Où sont les garanties ? Quel est ce jardin d’enfants, quel genre de personnes sont-elles, qui sont-elles ? Vous voyez, ils ont été “soumis à pression”, ils ont accepté. Puis ils disent : « L’Ukraine ne fera pas partie de l’OTAN ». Je dis : je ne sais pas ; je sais que vous avez accepté en 2008, mais pourquoi ne le ferez-vous plus à l’avenir ? « Eh bien, ils nous ont obligés”. Je dis : pourquoi ne vous pressent-ils pas demain pour que vous acceptiez à nouveau ? C’est n’importe quoi. Je ne comprends pas à qui il faut s’adresser. Nous sommes prêts à parler. Mais avec qui ? Où sont les garanties ? Il n’y en a aucune.

Ils ont donc commencé à “mettre en condition” le territoire de l’Ukraine. Quoi qu’il en soit, je vous ai raconté l’histoire, comment ce territoire s’est développé, quels types de relations il entretenait avec la Russie. Une personne sur deux ou sur trois a toujours eu des liens avec la Russie. Et pendant les élections dans l’Ukraine indépendante et souveraine, qui a obtenu son indépendance grâce à la Déclaration d’indépendance, qui dit d’ailleurs que l’Ukraine est un État neutre, en 2008, les portes de l’OTAN se sont soudainement ouvertes devant elle. C’est un film intéressant ! Nous n’étions pas d’accord sur ce point. Ainsi, tous les présidents qui sont arrivés au pouvoir en Ukraine se sont appuyés sur un électorat qui, d’une manière ou d’une autre, était favorable à la Russie. Il s’agit du sud-est de l’Ukraine, d’un grand nombre de personnes. Et il était très difficile de “casser” cet électorat, qui avait une attitude positive à l’égard de la Russie.

Viktor Yanukovych est arrivé au pouvoir, et voici comment : la première fois qu’il a gagné après le président Koutchma – ils ont organisé un troisième tour, ce qui n’est pas prévu par la Constitution de l’Ukraine. Il s’agit d’un coup d’État. Voyez-moi ça : il y a quelqu’un à qui ça ne plaisait pas, aux États-Unis.

Т. Carlson : En 2014.

V. Poutine : Non, c’était avant. Non, non, c’était plus tôt. Après le président Koutchma, Viktor Ianoukovitch a remporté les élections. Mais ses opposants n’ont pas reconnu cette victoire, les États-Unis ont soutenu l’opposition, et un troisième tour a été programmé. Vous vous rendez compte ? C’était un coup d’État. Les États-Unis l’ont soutenu et il [Viktor Iouchtchenko] est arrivé au pouvoir à la suite du troisième tour… Imaginez que quelqu’un aux États-Unis n’aime pas quelque chose – il organise un troisième tour, ce qui n’est pas prévu dans la Constitution américaine. Mais ils l’ont quand même fait là-bas [en Ukraine]. Viktor Iouchtchenko, qui était considéré comme un homme politique pro-occidental, est arrivé au pouvoir. D’accord, mais nous avons également établi des relations avec lui, il s’est rendu à Moscou pour des visites, nous sommes allés à Kiev, et moi aussi j’y suis allé. Nous nous sommes rencontrés dans une atmosphère informelle. Il était pro-occidental – bon, d’accord. Laissons-les faire, mais que les gens travaillent. La situation devrait évoluer à l’intérieur, en Ukraine même. Après avoir dirigé le pays, la situation s’est détériorée et Viktor Yanukovych est arrivé au pouvoir.

Il n’était peut-être pas le meilleur président ni le meilleur politicien – je ne sais pas, je ne veux pas faire d’évaluation – mais la question de l’association avec l’Union européenne a été soulevée. Nous avons toujours été très loyaux à l’égard de l’Union européenne : c’est comme vous voulez. Mais lorsque nous avons lu cet accord d’association, il s’est avéré que c’était un problème pour nous, parce que nous avons une zone de libre-échange avec l’Ukraine, des frontières douanières ouvertes, et l’Ukraine était censée ouvrir ses frontières à l’Europe dans le cadre de cette association, et tout aurait afflué vers notre marché.

Nous avons dit : non, ça ne marchera pas comme ça, nous fermerons nos frontières avec l’Ukraine, nos frontières douanières. Ianoukovitch a commencé à calculer ce que l’Ukraine gagnerait et ce qu’elle perdrait, et il a annoncé à ses homologues européens : je dois y réfléchir avant de signer. Dès qu’il a dit cela, les actions destructrices de l’opposition, soutenue par l’Occident, ont commencé, et tout a abouti au Maïdan et au coup d’État en Ukraine.

 

2e partie

[Voici la suite et la fin de la traduction intégrale de l’interview de Vladimir Poutine, on peut considérer que vu ce qui se publie dans notre blog et d’autres, il n’y a pas de révélations sur ce qui a provoqué l’intervention, le rôle de la France non seulement dans le coup d’Etat mais dans le fait que les accords de Minsk n’ont jamais été autre chose qu’une couverture pour donner à l’oTAN le temps de se mettre en position offensive est connu. Ce qui l’est moins c’est ce qu’était prêt à accepter la Russie et ses dirigeants dans la foulée de la fin de l’Union soviétique, la recherche d’une entente… La manière dont Poutine se positionne justement en tant que dirigeant ne voulant pas plus que les Etats Unis ou les Européens d’un retour à l’URSS. Comment loin d’être simplement, selon les commentaires de nos médias en train de nier l’existence de l’Ukraine, il était prêt à accepter la nouvelle donne et la création d’Etats nés du pacte entre capitalistes y compris dans l’ex-URSS. Ce biais est-il lié au fait qu’il s’adresse à la population des USA, ou exprime-t-il sa propre conviction ? C’est comme quand les gens du Donbass et de Crimée attaqués sont désignés par le terme de corréligionnaires. Une référence qui renvoie à la difficulté pour un citoyen de Etats-Unis à penser l’athéisme ou la foi réelle du Russe., une conception de la nation mais toujours reprise dans la description des liens économiques et sociaux réels y compris les intérêts européens. L’ambiguité demeure mais fait de cet interview un document historique sur lequel les historiens continueront longtemps à se pencher. Une adresse directe avec tous les aspects du cynisme : “Si l’administration Zelensky en Ukraine a refusé de négocier, je suppose qu’elle l’a fait sur instruction de Washington. Maintenant, s’ils voient à Washington que c’est une mauvaise décision, qu’ils l’abandonnent, qu’ils trouvent une excuse subtile et qui n’offense personne, qu’ils trouvent une solution. Ce n’est pas nous qui avons pris ces décisions, ce sont eux qui ont pris la décision là-bas, qu’ils l’abandonnent donc. C’est tout“. OUi il y a les décideurs, mais il y a aussi le temps long et irreversible de la chute des empires, la horde. c’est une pensée dans les temps de l’histoire. Les historiens le contextualiseront et à ce titre ne pourront ignorer la prise de position de Ziouganov, celle du parti communiste chinois. Il faut lire et relire ce texte, chaque phrase, manière dont poutine utilise son propre parcours centré sur les services de renseignement sans que jamais les aspects subjectifs prennent le dessus. Y a-t-il un dirigeant occidental apte à un tel exercice ? (note de danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop) https://www.pnp.ru/politics/intervyu-prezidenta-rf-vladimira-putina-zhurnalistu-takeru-karlsonu-polnyy-tekst.html ]

 

Т. Carlson : Il commerçait donc davantage avec la Russie qu’avec l’Union européenne et l’Ukraine ?

V. Poutine : Bien sûr. Il ne s’agit même pas du volume des échanges, même s’il était supérieur. Il s’agit de liens de coopération, sur lesquels reposait toute l’économie ukrainienne. Les liens de coopération entre les entreprises étaient restés très étroits depuis l’époque l’Union soviétique. Une entreprise produisait des composants pour l’assemblage final en Russie et en Ukraine, et vice versa. Les liens étaient très étroits.

Le coup d’État a eu lieu, bien que les États-Unis nous aient dit – je n’entrerai pas dans les détails maintenant, je pense que c’est incorrect – mais néanmoins : vous calmez Yanukovych là-bas, et nous nous calmerons l’opposition ; laissons tout aller dans le sens d’un règlement politique. Nous avons dit : “Bon, nous sommes d’accord, faisons comme ça”. Yanukovych n’a pas eu recours aux forces armées ou à la police, selon ce que les Américains nous avaient demandé. Mais l’opposition armée à Kiev a fait un coup d’État. “Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Pour qui vous prenez-vous ?” – Aurais-je voulu demander aux dirigeants des États-Unis de l’époque.

Т. Carlson : Avec le soutien de qui ?

V. Poutine : Avec le soutien de la CIA, bien sûr. Une organisation pour laquelle, si j’ai bien compris, vous avez un jour voulu travailler. Dieu merci, vous n’avez pas été pris. Bien qu’il s’agisse d’une organisation sérieuse, je sais bien. Ce sont mes anciens collègues, dans le sens où j’ai travaillé à la première direction principale, les services de renseignement de l’Union soviétique. Ils ont toujours été nos adversaires. C’est leur travail.

Techniquement, ils ont fait tout ce qu’il fallait, ils ont obtenu ce qu’ils voulaient – ils ont changé le gouvernement. Mais d’un point de vue politique, ce fut une erreur colossale. Là, évidemment, les dirigeants politiques n’ont pas été à la hauteur. Les dirigeants politiques auraient dû voir où cela les mènerait.

En 2008, ils ont donc ouvert la porte de l’OTAN à l’Ukraine. En 2014, ils ont fait un coup d’État, et ceux qui n’ont pas reconnu le coup d’État, car s’en était bien un, ont commencé à être persécutés, créant une menace pour la Crimée, que nous avons été forcés de prendre sous notre protection. Ils ont déclenché une guerre dans le Donbass en 2014, en utilisant des avions et de l’artillerie contre des civils. Oui, c’est là que tout a commencé. Des vidéos montrent des avions frappant Donetsk depuis le ciel. Ils ont entrepris une opération militaire de grande envergure, puis une autre, qui a échoué – et ils continuent. Et toujours dans le contexte du développement militaire de ce territoire et de l’ouverture de la porte à l’OTAN.

Comment ne pas s’inquiéter de ce qui se passait ? Ç’eut été une négligence criminelle de notre part, voilà tout. C’est simplement que les dirigeants politiques des États-Unis nous ont amenés à une limite que nous ne pouvions plus franchir, parce qu’elle détruisait la Russie elle-même. Et nous ne pouvions pas précipiter nos coreligionnaires et, en fait, une partie du peuple russe sous cette machine de guerre.

Т. Carlson : C’était donc huit ans avant le début du conflit. Et qu’est-ce qui a provoqué ce conflit, quand avez-vous décidé finalement que vous deviez prendre cette mesure ?

V. Poutine : Le conflit a d’abord été provoqué par le coup d’État en Ukraine.

D’ailleurs, les représentants de trois pays européens – l’Allemagne, la Pologne et la France – sont venus et se sont portés garants de l’accord signé entre le gouvernement de Yanukovych et l’opposition. Ils ont apposé leur signature en tant que garants. Malgré cela, l’opposition a fait un coup d’État, et tous ces pays ont fait semblant de ne pas se souvenir qu’ils étaient garants d’un règlement pacifique. Ils l’ont immédiatement jeté au feu, personne ne s’en souvient.

Je ne sais pas si les États-Unis sont au courant de cet accord entre l’opposition, les autorités et les trois garants qui, au lieu de ramener l’ensemble du processus sur le terrain politique, ont soutenu le coup d’État. Même si cela ne servait à rien, croyez-moi. Parce que le président Ianoukovitch a tout accepté, il était prêt pour des élections anticipées, dans lesquelles il n’avait aucune chance de gagner, pour être honnête, aucune chance. Tout le monde le savait.

Mais pourquoi le coup d’État, pourquoi les victimes ? Pourquoi les menaces sur la Crimée ? Pourquoi lancer ensuite des opérations dans le Donbass ? C’est ce que je ne comprends pas. C’est là qu’est l’erreur. La CIA a fait son travail en mettant en œuvre le coup d’État. Et je crois que l’un des secrétaires d’État adjoints a déclaré qu’ils avaient même dépensé une somme importante pour cela, près de cinq milliards [de dollars]. Mais l’erreur politique est colossale. Pourquoi avoir fait cela ? Toutes les mêmes choses auraient pu être réalisées, mais de manière légale, sans sacrifices, sans lancer d’opérations militaires et sans perdre la Crimée. Et nous n’aurions pas levé le petit doigt s’il n’y avait pas eu ces événements sanglants sur le Maïdan, cela ne nous serait jamais venu à l’esprit.

Parce que nous étions d’accord pour qu’après l’effondrement de l’Union soviétique, tout se passe ainsi, selon les frontières des républiques de l’Union. Nous étions d’accord avec cela. Mais nous n’avons jamais été d’accord avec l’expansion de l’OTAN, en particulier nous n’avons jamais été d’accord pour que l’Ukraine fasse partie de l’OTAN. Nous n’avons jamais accepté qu’il y ait des bases de l’OTAN dans ce pays sans que nous en ayons discuté. Nous n’avons fait que supplier pendant des décennies : ne faites pas ceci, ne faites pas cela.

Et quel a été l’élément déclencheur des événements récents ? Tout d’abord, les dirigeants ukrainiens actuels ont déclaré qu’ils n’honoreraient pas les accords de Minsk, qui avaient été signés à Minsk, comme vous le savez, après les événements de 2014, où un plan pour un règlement pacifique dans le Donbass avait été présenté. Non, les dirigeants de l’Ukraine d’aujourd’hui, le ministre des affaires étrangères, tous les autres responsables et le président lui-même ont déclaré qu’ils n’aimaient rien de ces accords de Minsk. En d’autres termes, ils ne les respecteraient pas. Et les anciens dirigeants de l’Allemagne et de la France ont déclaré il n’y a pas si longtemps – il y a un an et demi – ils ont dit, honnêtement, au monde entier, que oui, ils ont signé ces accords de Minsk, mais qu’ils n’allaient jamais les respecter. Nous étions simplement roulés dans la farine.

Т. Carlson : Avez-vous parlé au secrétaire d’État, au président ? Peut-être avaient-ils peur de vous parler ? Et leur avez-vous dit que s’ils continuaient à envoyer des armes en Ukraine, vous agiriez ?

V. Poutine : Nous en avons parlé tout le temps. Nous avons demandé aux dirigeants des États-Unis et des pays européens d’arrêter immédiatement ce processus et de respecter les accords de Minsk. Franchement, je ne savais pas comment nous allions procéder, mais j’étais prêt à les respecter. Ils sont compliqués pour l’Ukraine, il y a beaucoup d’éléments d’indépendance pour le Donbass, pour ces territoires, c’est vrai. Mais j’étais absolument sûr, et je vais vous le dire maintenant : je croyais sincèrement que si nous parvenions à persuader les habitants du Donbass – il fallait les persuader de revenir dans le cadre de l’État ukrainien – alors, tout doucement, progressivement, les blessures se refermeraient. Progressivement, lorsque cette partie du territoire renouerait avec la vie économique, avec l’environnement social général, lorsque les pensions et les prestations sociales seraient payées, tout s’arrangerait peu à peu, graduellement. Non, personne ne voulait cela, tout le monde voulait résoudre le problème uniquement par la force militaire. Mais nous ne pouvions pas le permettre.

Et nous en sommes arrivés à cette situation, lorsqu’ils ont annoncé en Ukraine : “Non, nous ne ferons rien”. Ils ont commencé à se préparer à une action militaire. Ils ont commencé la guerre en 2014. Notre objectif était d’arrêter cette guerre. Et nous ne l’avons pas commencée en 2022, il s’agissait d’une tentative pour l’arrêter.

Т. Carlson : Pensez-vous avoir réussi à l’arrêter maintenant ? Avez-vous atteint vos objectifs ?

V. Poutine : Non, nous n’avons pas encore atteint nos objectifs, car l’un d’entre eux est la dénazification. Il s’agit d’interdire tous les types de mouvements néo-nazis. C’est l’un des problèmes dont nous avons discuté au cours du processus de négociation qui s’est achevé à Istanbul au début de l’année dernière, mais pas à notre initiative, parce que les Européens, en particulier, nous ont dit qu’il était nécessaire de créer des conditions pour la signature finale des documents. Mes collègues français et allemands ont dit : “Comment peux-tu imaginer qu’ils vont signer le traité : avec un pistolet sur la tempe ? Vous devez retirer vos troupes de Kiev”. J’ai dit : D’accord. Nous avons retiré nos troupes de Kiev.

Dès que nous avons retiré les troupes de Kiev, nos négociateurs ukrainiens ont immédiatement rejeté tous les accords conclus à Istanbul et se sont préparés à une longue confrontation armée avec l’aide des États-Unis et de leurs satellites en Europe. C’est ainsi que la situation a évolué. Et c’est ainsi qu’elle se présente aujourd’hui.

Т. Carlson : Qu’est-ce que la dénazification ? Qu’est-ce que cela signifie ?

V. Poutine : Je voulais justement en parler. C’est une question très importante.

La dénazification. Après avoir obtenu son indépendance, l’Ukraine a commencé à chercher, comme le disent certains analystes occidentaux, son identité. Et elle n’a rien trouvé de mieux que de placer au centre de cette identité de faux héros qui ont collaboré avec Hitler.

J’ai déjà dit qu’au début du 19e siècle, lorsque les théoriciens de l’indépendance et de la souveraineté de l’Ukraine sont apparus, ils partaient du principe qu’une Ukraine indépendante devrait avoir de très bonnes et cordiales relations avec la Russie. Mais en raison de l’évolution historique, du fait que lorsque ces territoires faisaient partie du Commonwealth polono-lituanien, de la Pologne, les Ukrainiens ont été persécutés de manière assez brutale, leurs biens confisqués, on a tenté de détruire leur identité, les Polonais se sont comportés de manière très cruelle, tout cela est resté dans la mémoire de la population. Lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, une partie de cette élite extrêmement nationaliste a commencé à coopérer avec Hitler, croyant qu’Hitler leur apporterait la liberté. Les troupes allemandes, et même les troupes SS, ont confié le plus sale travail d’extermination de la population polonaise, de la population juive, aux collaborateurs qui coopéraient avec Hitler. D’où ce massacre brutal de la population polonaise, juive et russe. À leur tête se trouvaient des personnes bien connues : Bandera, Choukhevitch. Ce sont ces personnes qui ont été érigées en héros nationaux. C’est bien là le problème. Et on continue à nous dire : le nationalisme et le néo-nazisme existent aussi dans d’autres pays. Oui, il y a des germes, mais nous les écrasons, et dans d’autres pays aussi, ils sont écrasés. Mais en Ukraine – non, en Ukraine, ils sont devenus des héros nationaux, des monuments leur sont érigés, ils figurent sur les drapeaux, leurs noms sont criés par des foules qui marchent avec des torches, comme dans l’Allemagne nazie. Ce sont ces gens qui ont exterminé des Polonais, des Juifs et des Russes. Nous devons mettre fin à cette pratique et à cette théorie.

Bien sûr, toute nation qui a atteint un certain développement considère que certains de ses membres… Je dis qu’ils font partie du peuple russe, ils disent : non, nous sommes un peuple à part. D’accord. Si quelqu’un se considère comme un peuple à part, il en a le droit. Mais pas sur la base du nazisme, de l’idéologie nazie.

Т. Carlson : Vous contenterez-vous du territoire que vous possédez aujourd’hui ?

V. Poutine : Je vais d’abord terminer sur le sujet. Vous avez posé une question sur le néonazisme et la dénazification.

Le président ukrainien est venu au Canada (c’est bien connu, mais c’est passé sous silence en Occident), et ils ont présenté au parlement canadien un homme qui, comme l’a dit le président du parlement, avait combattu contre les Russes pendant la Seconde Guerre mondiale. Eh bien, qui a combattu les Russes pendant la Seconde Guerre mondiale ? Hitler et ses sbires. Il s’est avéré que cet homme avait servi dans les troupes SS et qu’il avait personnellement tué des Russes, des Polonais et des Juifs. Les troupes SS, formées de nationalistes ukrainiens, se livraient à cette sale besogne. Le président de l’Ukraine s’est levé avec l’ensemble du Parlement canadien et a applaudi cet homme. Comment peut-on imaginer cela ? Le président ukrainien lui-même, soit dit en passant, est juif de nationalité.

Т. Carlson : Et que voulez-vous faire ? Hitler est mort depuis 80 ans, l’Allemagne nazie n’existe plus, c’est vrai. Vous dites que vous voulez éteindre ce feu du nationalisme ukrainien. Comment allez-vous vous y prendre ?

V. Poutine : Écoutez-moi. Votre question est très subtile… Et puis-je vous dire ce que je pense ? Vous ne vous en offusquerez pas ?

Т. Carlson : Bien sûr que non.

V. Poutine : Votre question semble subtile, mais elle est très perverse.

Vous dites : Hitler est parti depuis tant d’années, 80 ans. Mais sa cause perdure. Les personnes qui ont exterminé les Juifs, les Russes et les Polonais sont toujours en vie. Et le président, l’actuel président de l’Ukraine d’aujourd’hui l’applaudit au parlement canadien, une ovation debout ! Peut-on dire que nous avons complètement déraciné cette idéologie si nous voyons ce qui se passe aujourd’hui ? C’est cela que l’on appelle la dénazification. Nous devons nous débarrasser des personnes qui laissent cette théorie et cette pratique dans la vie et tentent de les préserver – c’est cela la dénazification. C’est ce que nous entendons par là.

Т. Carlson : D’accord. Je ne défends certainement pas le nazisme ou le néo-nazisme. Mais ma question est d’ordre pratique : vous ne contrôlez pas tout le pays, et il me semble que vous voudriez contrôler tout le pays. Mais comment pouvez-vous alors déraciner l’idéologie, la culture, certains sentiments, l’histoire dans un pays que vous ne contrôlez pas ? Comment y parvenir ?

V. Poutine : Vous savez, aussi étrange que cela puisse vous paraître, lors des négociations d’Istanbul, nous avons convenu que (tout est écrit) le néonazisme ne sera pas cultivé en Ukraine, et qu’il sera notamment interdit au niveau législatif.

Monsieur Carlson, nous nous sommes mis d’accord sur ce point. Il s’avère que cela peut être fait au cours du processus de négociation. Et il n’y a rien d’humiliant pour l’Ukraine en tant qu’État civilisé moderne. Un État est-il autorisé à faire la propagande des nazis ? Non, n’est-ce pas ? C’est tout ce qu’il y a à dire.

Т. Carlson : Y aura-t-il des négociations ? Et pourquoi n’y a-t-il pas eu de telles négociations – des pourparlers de paix – concernant le règlement du conflit en Ukraine jusqu’à présent ?

V. Poutine : Il y en a eu, elles ont atteint un stade très élevé d’accord sur les positions d’un processus certes complexe, mais elles avaient presque abouti. Mais après le retrait de nos troupes de Kiev, j’ai déjà dit que l’autre partie, l’Ukraine, a rejeté tous ces accords et accepté les instructions des pays occidentaux – les pays européens, les États-Unis – de combattre la Russie jusqu’au bout.

Qui plus est, le président ukrainien a légiféré pour empêcher toute négociation avec la Russie. Il a signé un décret interdisant à quiconque de négocier avec la Russie. Mais comment allons-nous négocier s’il se l’est interdit à lui-même et s’il l’a interdit à tout le monde ? Nous savons qu’il avance quelques idées sur ce règlement. Mais pour se mettre d’accord sur quelque chose, il faut dialoguer, n’est-ce pas ?

Т. Carlson : Oui, mais vous n’allez pas parler au président ukrainien, vous allez parler au président américain. Quand avez-vous parlé à Joe Biden pour la dernière fois ?

V. Poutine : Je ne me souviens pas quand je lui ai parlé. Je ne m’en souviens pas, vous pouvez vérifier.

Т. Carlson : Vous ne vous souvenez pas ?

V. Poutine : Non, pourquoi devrais-je me souvenir de tout ? J’ai mes propres affaires. Nous avons des affaires de politique intérieure.

Т. Carlson : Mais il finance la guerre que vous menez.

V. Poutine : Oui, c’est vrai, mais quand je lui ai parlé, c’était avant l’opération militaire spéciale, bien sûr, et je lui ai dit alors – je n’entrerai pas dans les détails, je ne le fais jamais – mais je lui ai dit alors : je crois que vous faites une énorme erreur à l’échelle historique en soutenant tout ce qui se passe là-bas, en Ukraine, en repoussant la Russie. Je le lui ai dit – je l’ai répété à plusieurs reprises, d’ailleurs. Je pense que ce sera correct – je vais m’arrêter là.

Т. Carlson : Qu’a-t-il dit ?

V. Poutine : Demandez-lui, s’il vous plaît. C’est facile pour vous : vous êtes un citoyen des États-Unis, allez lui demander. Il n’est pas correct de ma part de commenter notre conversation.

Т. Carlson : Mais vous ne lui avez pas parlé depuis lors – depuis février 2022 ?

V. Poutine : Non, nous ne nous sommes pas parlé. Mais nous avons certains contacts. D’ailleurs, vous souvenez-vous de ce que je vous ai dit à propos de ma proposition de travailler ensemble sur un système de défense antimissile ?

Т. Carlson : Oui.

V. Poutine : Vous pouvez demander à tout le monde – ils sont tous en vie et en bonne santé, Dieu merci. L’ancien président, ainsi que Condoleezza [Rice] sont en vie et en bonne santé, et je pense que M. Gates, et l’actuel directeur de la Central Intelligence Agency, M. Burns – il était alors ambassadeur en Russie, et je pense qu’il a été un ambassadeur très performant. Ils ont tous été témoins de ces conversations. Demandez-leur.

Il en va de même ici : si vous souhaitez savoir ce que le président Biden m’a dit, demandez-le-lui. En tout cas, lui et moi avons parlé de ce sujet.

Т. Carlson : Je comprends parfaitement cela, mais de l’extérieur, pour un observateur extérieur, il semblerait que tout cela pourrait conduire à une situation où le monde entier serait au bord de la guerre, peut-être même de frappes nucléaires. Pourquoi ne pas appeler Biden et lui dire : résolvons ce problème d’une manière ou d’une autre.

V. Poutine : Qu’y a-t-il à résoudre ? C’est très simple. Je le répète, nous avons des contacts par l’intermédiaire de diverses agences. Je vais vous dire ce que nous disons à ce sujet et ce que nous proposons aux dirigeants américains : si vous voulez vraiment arrêter les combats, vous devez cesser de fournir des armes – tout sera terminé en quelques semaines, c’est tout, et vous pourrez ensuite négocier certaines conditions avant de passer à l’action – il faut juste arrêter.

Qu’y a-t-il de plus simple que cela ? Pourquoi devrais-je l’appeler ? De quoi dois-je parler ou supplier ? “Vous allez livrer telle ou telle arme à l’Ukraine ? Oh, j’ai peur, j’ai peur, s’il vous plaît, ne le faites pas.” Qu’est-ce qu’il y a à dire ?

Т. Carlson : Pensez-vous que l’OTAN craint que cela ne dégénère en une guerre mondiale ou même en un conflit nucléaire ?

V. Poutine : En tout cas, ils en parlent et ils essaient d’effrayer leur population avec une menace russe imaginaire. C’est un fait évident. Et les gens qui réfléchissent – pas les gens ordinaires, mais les gens qui réfléchissent, les analystes, ceux qui sont impliqués dans la vraie politique, les gens intelligents – comprennent parfaitement qu’il s’agit d’un faux. La menace russe est artificiellement gonflée.

Т. Carlson : Voulez-vous parler de la menace d’une invasion russe, par exemple, de la Pologne ou de la Lettonie ? Pouvez-vous imaginer un scénario dans lequel vous enverriez des troupes russes en Pologne ?

V. Poutine : Dans un seul cas : s’il y a une attaque contre la Russie depuis la Pologne. Pourquoi ? Parce que nous n’avons aucun intérêt ni en Pologne ni en Lettonie – nulle part. Pourquoi ferions-nous cela ? Nous n’avons tout simplement pas d’intérêts. Nous n’avons que des menaces.

Т. Carlson : L’argument – je pense que vous le connaissez très bien – est le suivant : oui, il a envahi l’Ukraine, il a des revendications territoriales sur tout le continent. Êtes-vous en train de dire sans équivoque que vous n’avez pas de telles revendications territoriales ?

V. Poutine : C’est absolument exclu. Il n’est pas nécessaire d’être un analyste : il est contraire au bon sens de s’impliquer dans une sorte de guerre mondiale. Et une guerre mondiale mènerait toute l’humanité au bord de la destruction. C’est une évidence.

Il existe bien sûr des moyens de dissuasion. Pendant tout ce temps, on fait peur à tout le monde : demain, la Russie utilisera des armes nucléaires tactiques, demain elle utilisera celle-ci, non, après-demain. Et alors ? ce ne sont que des propos alarmistes à l’intention des gens ordinaires, afin de soutirer de l’argent supplémentaire aux contribuables américains et européens dans le cadre de la confrontation avec la Russie sur le théâtre de guerre ukrainien. L’objectif est d’affaiblir la Russie autant que possible.

Т. CARLSON : L’un des principaux sénateurs, Chuck Schumer, a semblé dire hier : nous devons continuer à financer l’Ukraine, sinon les soldats américains devront un jour se battre en Ukraine à la place de l’Ukraine. Que pensez-vous d’une telle déclaration ?

V. Poutine : Il s’agit d’une provocation, et d’une provocation à bon marché. Je ne comprends pas pourquoi les soldats américains devraient se battre en Ukraine. Il y a des mercenaires américains là-bas. La plupart des mercenaires viennent de Pologne, la deuxième place est occupée par des mercenaires des États-Unis et la troisième par des mercenaires de Géorgie. Si quelqu’un a le désir d’envoyer des troupes régulières, cela amènera certainement l’humanité au bord d’un conflit mondial très grave. C’est évident.

Les États-Unis ont-ils besoin de cela ? Pourquoi les États-Unis en ont-ils besoin ? À des milliers de kilomètres du territoire national ! Vous n’avez rien de mieux à faire ? Vous avez des problèmes à la frontière, des problèmes d’immigration, des problèmes avec la dette nationale – plus de 33 billions de dollars. Vous n’avez rien d’autre à faire que de vous battre en Ukraine ?

Ne serait-il pas préférable de négocier avec la Russie ? De parvenir à un accord, en comprenant déjà la situation telle qu’elle est aujourd’hui, en comprenant que la Russie se battra pour ses intérêts jusqu’au bout, et, en comprenant cela, de revenir au bon sens, de commencer à traiter notre pays et ses intérêts avec respect, et de chercher des solutions ? Il me semble que c’est beaucoup plus intelligent et rationnel.

Т. Carlson : Qui a fait exploser Nord Stream ?

V. Poutine : Vous, bien sûr. (Rires.)

Т. Carlson : J’étais occupé ce jour-là. Je n’ai pas fait exploser Nord Stream.

V. Poutine : Vous avez peut-être un alibi, mais la CIA n’en a pas.

Т. Carlson : Avez-vous des preuves que l’OTAN ou la CIA l’ont fait ?

V. Poutine : Vous savez, je n’entrerai pas dans les détails, mais on dit toujours dans ce genre de cas : cherchez à qui cela profite. Mais dans ce cas, nous devons chercher non seulement à qui cela profite, mais aussi qui peut le faire. Car il peut y avoir beaucoup de personnes intéressées, mais toutes ne peuvent pas plonger au fond de la mer Baltique et réaliser cette explosion. Ces deux éléments doivent être liés : qui est intéressé et qui peut le faire.

Т. Carlson : Mais je ne comprends pas très bien. Il s’agit du plus grand acte de terrorisme industriel de l’histoire et, en outre, du plus grand rejet de CO2 dans l’atmosphère. Mais étant donné que vous avez des preuves et vos agences de renseignement, pourquoi ne présentez-vous pas ces preuves et ne gagnez-vous pas cette guerre de propagande ?

V. Poutine : Il est très difficile de vaincre les États-Unis dans une guerre de propagande, parce que les États-Unis contrôlent tous les médias du monde et de nombreux médias européens. Les bénéficiaires ultimes des plus grands médias européens sont des fondations américaines. Ne le savez-vous pas ? Il est donc possible de s’impliquer dans ce travail, mais je dirais que le jeu n’en vaut pas la chandelle. Nous pouvons nous contenter d’exposer nos sources d’information, mais nous n’obtiendrons pas de résultats. Le monde entier sait ce qui s’est passé, et même les analystes américains en parlent directement. C’est la vérité.

Т. Carlson : Oui, mais voici une question : vous avez travaillé en Allemagne, c’est bien connu, et les Allemands comprennent clairement que leurs partenaires de l’OTAN l’ont fait, bien sûr, cela a porté un coup à l’économie allemande, alors pourquoi les Allemands restent-ils silencieux ? Je suis perplexe : pourquoi les Allemands n’ont-ils rien dit à ce sujet ?

V. Poutine : Cela me surprend aussi. Mais les dirigeants allemands d’aujourd’hui ne sont pas guidés par des intérêts nationaux, mais par les intérêts de l’Occident collectif, sinon il est difficile d’expliquer la logique de leurs actions ou de leur inaction. Après tout, il ne s’agit pas seulement de Nord Stream-1, qui a explosé. Le “Nord Stream-2” a été endommagé, mais l’un des tuyaux est bien vivant et peut être utilisé pour fournir du gaz à l’Europe, mais l’Allemagne ne l’ouvre pas. Nous sommes prêts.

Il existe un autre itinéraire passant par la Pologne, appelé Yamal-Europe, qui peut également transporter un flux important. La Pologne l’a fermé, mais la Pologne reçoit de l’argent des Allemands, elle reçoit de l’argent des fonds paneuropéens, et l’Allemagne est le principal donateur de ces fonds paneuropéens. L’Allemagne alimente la Pologne dans une certaine mesure. Et ils ont fermé la route vers l’Allemagne. Je ne comprends pas.

L’Ukraine, à qui les Allemands fournissent des armes et donnent de l’argent. L’Allemagne est le deuxième sponsor après les États-Unis en termes d’aide financière à l’Ukraine. L’Ukraine est traversée par deux voies d’acheminement du gaz. Les Ukrainiens ont simplement fermé l’une d’entre elles. Ouvrez la seconde route et, allez-y, obtenez du gaz de la Russie. Ils ne veulent pas.

Pourquoi les Allemands ne disent-ils pas : “Écoutez, les gars, nous vous donnons de l’argent et des armes. Dévissez la vanne, s’il vous plaît, faites venir le gaz de Russie pour nous. Nous achetons du gaz liquéfié en Europe à des prix surévalués, ce qui réduit notre compétitivité et l’économie dans son ensemble à zéro. Voulez-vous que nous vous donnions de l’argent ? Laissez-nous vivre normalement, laissez notre économie gagner de l’argent, et nous vous donnerons de l’argent à partir de là”. Non, ils ne le font pas. Pourquoi ? Demandez-leur. (Il frappe sur la table.) Ce qu’il y a ici, ce qu’il y a dans leur tête, c’est la même chose. Les gens là-bas sont très incompétents.

Т. Carlson : Peut-être que le monde se divise maintenant en deux hémisphères : un hémisphère avec de l’énergie bon marché, l’autre hémisphère sans énergie.

Je voudrais poser une question : le monde est désormais multipolaire – pouvez-vous décrire les alliances, les blocs, qui est du côté de qui, à votre avis ?

V. Poutine : Vous avez dit que le monde était divisé en deux hémisphères. La tête est divisée en deux hémisphères : l’un est responsable d’une sphère d’activité, l’autre est plus créatif, etc. Mais il s’agit toujours d’une seule tête. Il faut que le monde soit uni, que la sécurité soit commune et non conçue pour le “milliard d’or”. Alors – alors seulement – le monde sera stable, durable et prévisible. En attendant, tant que la tête est divisée en deux parties, c’est une maladie, une maladie grave. Le monde traverse cette période de maladie grave.

Mais il me semble que grâce à un journalisme honnête, entre autres choses – ils [les journalistes] travaillent comme des médecins – il sera peut-être possible de rabibocher tout cela d’une manière ou d’une autre.

Т. Carlson : Laissez-moi vous donner un exemple. Le dollar américain a uni le monde entier à bien des égards. Pensez-vous que le dollar va disparaître en tant que monnaie de réserve ? Comment les sanctions ont-elles changé la place du dollar dans le monde ?

V. Poutine : Vous savez, c’est l’une des erreurs stratégiques les plus grossières de la direction politique des États-Unis : utiliser le dollar comme instrument de lutte pour la politique étrangère. Le dollar est le fondement de la puissance américaine. Je pense que tout le monde le comprend très bien : quel que soit le nombre de dollars que vous imprimez, ils circulent dans le monde entier. L’inflation aux États-Unis est minime : je pense qu’elle est de 3 %, environ 3,4 %, ce qui est tout à fait acceptable pour les États-Unis. Et ils impriment sans discontinuer, évidemment. Que dit la dette de 33 000 milliards ? C’est une émission de monnaie.

Néanmoins, c’est la principale arme pour maintenir la puissance américaine dans le monde. Dès que les dirigeants politiques ont décidé d’utiliser le dollar comme instrument de lutte politique, ils ont porté un coup à cette puissance américaine. Je ne veux pas utiliser d’expressions vulgaires, mais c’est une stupidité et une énorme erreur.

Regardez ce qui se passe dans le monde. Même parmi les alliés des États-Unis, les réserves en dollars diminuent en ce moment. Tout le monde regarde ce qui se passe et cherche des moyens de se protéger. Mais si les États-Unis appliquent des mesures restrictives à certains pays, telles que la limitation des paiements, le gel des avoirs et ainsi de suite, c’est un énorme sujet d’inquiétude et un signal pour le monde entier.

Que s’est-il passé dans notre pays ? Jusqu’en 2022, environ 80 % des règlements dans le commerce extérieur de la Russie se faisaient en dollars et en euros. À la même époque, les dollars représentaient environ 50 % de nos règlements avec les pays tiers ; aujourd’hui, je pense qu’il n’en reste plus que 13 %. Mais nous n’avons pas interdit l’utilisation du dollar, nous n’avons pas cherché à le faire. Les États-Unis ont décidé de limiter nos règlements en dollars. Je pense que c’est une erreur, vous savez, du point de vue des intérêts des États-Unis eux-mêmes, des contribuables américains. Parce que cela porte un coup à l’économie américaine, cela sape le pouvoir des États-Unis dans le monde.

Soit dit en passant, les règlements en yuans représentaient autrefois environ 3 %. Aujourd’hui, nous réglons 34 % en roubles et à peu près le même montant, 34 % et quelques, en yuans.

Pourquoi les États-Unis ont-ils fait cela ? Je ne peux l’expliquer que par l’arrogance. Ils pensaient probablement que tout allait s’effondrer, mais rien ne s’est passé. D’ailleurs, regardez, d’autres pays, y compris des pays producteurs de pétrole, commencent à parler et à faire des choses, ils paient les ventes de pétrole en yuans. Vous rendez-vous compte que c’est en train de se produire ou non ? Est-ce que quelqu’un s’en rend compte aux États-Unis ? Que faites-vous ? Vous vous coupez du monde… Demandez à tous les experts, à toute personne intelligente et réfléchie aux États-Unis : que représente le dollar pour les États-Unis ? Vous êtes en train de le tuer vous-même.

Т. Carlson : Je pense que c’est une évaluation très juste.

Question suivante. Peut-être avez-vous échangé une puissance coloniale contre une autre, mais qui serait plus clémente ? Peut-être que les BRICS risquent aujourd’hui de voir la Chine, une puissance coloniale plus généreuse, les dominer ? Pensez-vous que cela soit bon pour la souveraineté ? Êtes-vous inquiet à ce sujet ?

V. Poutine : Nous connaissons bien tous ces épouvantails. Il s’agit de contes à faire peur. Nous sommes voisins de la Chine. Les voisins, tout comme les parents, on ne les choisit pas. Nous partageons avec eux une frontière de plusieurs milliers de kilomètres. C’est la première chose.

Deuxièmement, nous sommes habitués à vivre ensemble depuis des siècles.

Troisièmement, la philosophie de la Chine en matière de politique étrangère est non agressive, la pensée de la Chine en matière de politique étrangère est toujours à la recherche de compromis, et c’est ce que nous voyons.

Le point suivant est celui-ci. On nous dit tout le temps, et vous avez maintenant essayé d’en atténuer l’expression, mais il s’agit néanmoins toujours des mêmes histoires à faire peur : le volume de la coopération avec la Chine augmente. Le taux de croissance de la coopération entre la Chine et l’Europe est supérieur au taux de croissance de la coopération entre la Fédération de Russie et la Chine. Demandez aux Européens : n’ont-ils pas peur ? Peut-être, je ne sais pas, mais ils essaient de pénétrer le marché chinois à tout prix, surtout lorsqu’ils sont confrontés à des problèmes économiques. Et les entreprises chinoises explorent le marché européen.

N’y a-t-il pas une petite présence d’entreprises chinoises aux États-Unis ? Oui, les décisions politiques sont telles qu’elles tentent de limiter la coopération avec la Chine. Monsieur Tucker, vous le faites à votre propre détriment : en limitant la coopération avec la Chine, vous vous rendez un mauvais service. Il s’agit d’un domaine délicat et il n’existe pas de solutions linéaires simples, tout comme pour le dollar.

C’est pourquoi nous devons bien réfléchir avant d’imposer des sanctions illégitimes, illégitimes du point de vue de la Charte des Nations unies. Je pense que ceux qui prennent les décisions ont des problèmes avec cela.

Т. Carlson : Vous avez dit il y a un instant que le monde serait bien meilleur aujourd’hui s’il n’y avait pas deux alliances concurrentes l’une contre l’autre. Peut-être que l’administration américaine actuelle, comme vous le dites, comme vous le pensez, est contre vous, mais peut-être que la prochaine administration américaine, le gouvernement après Joe Biden voudra se connecter avec vous et que vous voudrez vous connecter avec eux ? Ou cela ne joue-t-il pas un rôle ?

V. Poutine : Je vais vous le dire.

Mais pour conclure sur la question précédente. Nous disposons de 200 milliards de dollars, et nous avons fixé un objectif avec mon collègue, mon ami, avec le président Xi Jinping, que cette année nous atteindrions 200 milliards de dollars dans le commerce avec la Chine. Et nous avons dépassé cet objectif. Selon nos données, il s’agit déjà de 230 milliards de dollars, et selon les statistiques chinoises, il s’agit de 240 milliards de dollars, si vous comptez tout en dollars, c’est le chiffre d’affaires commercial avec la Chine.

Et une chose très importante : notre chiffre d’affaires est équilibré, et nous nous complétons dans la sphère de la haute technologie, dans le secteur de l’énergie et dans la recherche scientifique. C’est très équilibré.

Quant aux BRICS dans leur ensemble, dont la Russie assure la présidence depuis cette année, ils se développent très rapidement.

Sauf erreur de ma part, en 1992, la part des pays du G7 dans l’économie mondiale était de 47 %, et en 2022, elle est tombée à quelque chose comme 30 %. La part des pays BRICS n’était que de 16 % en 1992, et elle est aujourd’hui supérieure à celle du G7. Et cela n’a rien à voir avec les événements en Ukraine. Les tendances du développement du monde et de l’économie mondiale sont telles que je viens de le dire, et c’est inévitable. Cela continuera à se produire : comme le soleil se lève, vous ne pouvez pas l’empêcher, vous devez vous y adapter.

Comment les États-Unis s’adaptent-ils ? Par la force : sanctions, pressions, bombardements, recours aux forces armées. Cela est dû à l’arrogance. Votre élite politique ne comprend pas que le monde change en fonction de circonstances objectives et qu’il est nécessaire de prendre les bonnes décisions avec compétence, à temps, pour maintenir votre niveau, excusez-moi, même si on veut parler de domination. Des actions aussi grossières, y compris à l’égard de la Russie, disons, d’autres pays, conduisent au résultat inverse. C’est un fait évident, déjà aujourd’hui c’est évident.

Vous venez de me demander : est-ce qu’un autre dirigeant viendra et changera quelque chose ? Il ne s’agit pas du dirigeant, ni de la personnalité d’une personne en particulier. J’ai eu de très bonnes relations avec Bush, par exemple. Je sais qu’aux États-Unis, on l’a présenté comme un gars de la campagne qui ne connaît pas grand-chose. Je vous assure que ce n’est pas le cas. Je pense qu’il a également commis beaucoup d’erreurs avec la Russie. Je vous ai parlé de 2008 et de la décision prise à Bucarest d’ouvrir la porte de l’OTAN à l’Ukraine, etc. C’est sous son mandat qu’il a fait pression sur les Européens.

Mais en général, sur le plan humain, j’ai eu de très bonnes relations avec lui. Il n’est pas pire que n’importe quel autre politicien américain, russe ou européen. Je vous assure qu’il comprenait ce qu’il faisait aussi bien que les autres. J’ai également eu une relation personnelle avec Trump.

Il ne s’agit pas de la personnalité du dirigeant, mais de l’état d’esprit des élites. Si la société américaine est gouvernée par l’idée de domination à tout prix, et par des actions de force, rien ne changera, cela ne fera qu’empirer. Mais si, en fin de compte, il y a une prise de conscience que le monde change en raison de circonstances objectives et qu’il faut être capable de s’y adapter à temps, en utilisant les avantages que les États-Unis ont encore aujourd’hui, alors peut-être que quelque chose pourrait changer.

L’économie chinoise est devenue la première économie du monde en termes de parité de pouvoir d’achat, en termes de volume, elle a dépassé les États-Unis il y a longtemps. Ensuite viennent les États-Unis, puis l’Inde, qui compte un milliard et demi d’habitants, puis le Japon et, en cinquième position, la Russie. L’année dernière, la Russie est devenue la première économie d’Europe, malgré toutes les sanctions et les restrictions. Est-ce normal, de votre point de vue ? Sanctions, restrictions, impossibilité de régler en dollars, déconnexion de SWIFT, sanctions contre nos navires transportant du pétrole, sanctions contre les avions, sanctions dans tout, partout. Le plus grand nombre de sanctions appliquées dans le monde l’est contre la Russie. Et nous sommes devenus la première économie d’Europe pendant cette période.

Les outils utilisés par les États-Unis ne fonctionnent pas. Il faut réfléchir à ce qu’il convient de faire. Si les élites dirigeantes en prennent conscience, alors oui, la première personne de l’État agira en anticipant ce que les électeurs et les personnes qui prennent des décisions à différents niveaux attendent d’elle. Les choses pourraient alors changer.

Т. Carlson : Vous décrivez deux systèmes différents, vous dites que le dirigeant agit dans l’intérêt des électeurs, mais en même temps certaines décisions sont prises par les classes dirigeantes. Vous dirigez le pays depuis de nombreuses années, avec votre expérience, qui, selon vous, prend les décisions en Amérique ?

V. Poutine : Je ne sais pas. L’Amérique est un pays complexe, très conservateur d’un côté et en pleine mutation de l’autre. Il n’est pas facile pour nous de le comprendre.

Qui prend les décisions lors des élections ? Comment le comprendre quand chaque État a sa propre législation, chaque État s’autorégule, quelqu’un peut être exclu des élections au niveau de l’État. Il s’agit d’un système électoral à deux niveaux, qu’il nous est très difficile de comprendre. Bien sûr, il y a deux partis dominants : les Républicains et les Démocrates. Et à l’intérieur de ce système de partis, les centres qui prennent les décisions, qui préparent les décisions.

Alors, pourquoi, à mon avis, après l’effondrement de l’Union soviétique, y a-t-il eu une politique de pression contre la Russie aussi erronée, aussi grossière, aussi injustifiée ? En effet, il s’agit bien d’une politique de pression. L’expansion de l’OTAN, le soutien aux séparatistes du Caucase, la création d’un système de défense antimissile sont autant d’éléments de pression. Des pressions, toujours des pressions… Puis l’Ukraine a été attirée dans l’OTAN. Tout n’est que pression, pression. Pourquoi ?

Je pense, entre autres, que des capacités de production excessives ont été créées. Pendant la lutte contre l’Union soviétique, il y avait beaucoup de centres et de spécialistes sur l’Union soviétique, qui ne pouvaient rien faire d’autre. Ils ont convaincu les dirigeants politiques qu’il fallait continuer à harceler la Russie, essayer de la briser, créer sur ce territoire plusieurs formations quasi-étatiques et les soumettre sous une forme divisée, afin d’utiliser leur potentiel global pour la future lutte contre la Chine. C’est une erreur, y compris le potentiel excessif de ceux qui ont travaillé à la confrontation avec l’Union soviétique. Il faut s’en débarrasser, il faut des forces nouvelles, fraîches, des gens qui regardent vers l’avenir et comprennent ce qui se passe dans le monde.

Regardez comment l’Indonésie se développe ! 600 millions d’habitants. Comment peut-on y échapper ? C’est impossible. Nous devons partir du principe que l’Indonésie rejoindra le club des principales économies mondiales, que cela plaise ou non à certains.

Oui, nous comprenons et nous sommes conscients qu’aux États-Unis, malgré tous les problèmes économiques, nous avons une situation confortable et une croissance économique décente – 2,5 % de croissance du PIB, je pense.

Mais si nous voulons assurer l’avenir, nous devons changer notre approche de ce qui est en train de changer. Comme je l’ai dit, le monde continuera à changer quelle que soit la fin des événements en Ukraine. Le monde change. Les experts américains écrivent que les États-Unis changent progressivement leur position dans le monde, vos experts écrivent, je les lis. La seule question est de savoir comment cela va se passer : douloureusement, rapidement ou doucement, progressivement ? Et cela est écrit par des gens qui ne sont pas antiaméricains, ils observent simplement les tendances du développement dans le monde. C’est tout. Pour les évaluer, pour changer de politique, nous avons besoin de gens qui pensent, qui regardent vers l’avenir, qui peuvent analyser et recommander certaines décisions au niveau des dirigeants politiques.

Т. Carlson : Je dois vous poser une question. Vous avez clairement dit que l’expansion de l’OTAN était devenue une rupture de promesse et une menace pour votre pays. Mais avant d’envoyer des troupes en Ukraine, lors d’une conférence sur la sécurité, le vice-président des États-Unis a soutenu le désir du président ukrainien de rejoindre l’OTAN. Pensez-vous que cela a, entre autres, provoqué les actions militaires ?

V. Poutine : Je le répète : nous avons à maintes reprises, suggéré de chercher une solution aux problèmes survenus en Ukraine après le coup d’État de 2014 par des moyens pacifiques. Mais personne ne nous a écoutés. Et qui plus est, les dirigeants ukrainiens, qui étaient sous le contrôle total des États-Unis, ont soudainement déclaré qu’ils ne respecteraient pas les accords de Minsk – ils n’aiment rien dedans – et ont poursuivi leur activité militaire sur ce territoire. Parallèlement, les structures militaires de l’OTAN développaient ce territoire sous le couvert de divers centres de formation et de recyclage. Elles ont en fait commencé à y établir des bases. C’est tout.

En Ukraine, ils ont déclaré que les Russes étaient (ils ont adopté une loi) une nation non-titulaire, et en même temps, ils ont adopté des lois qui restreignent les droits des nations non-titulaires. En Ukraine. L’Ukraine, qui a reçu tous ces territoires du sud-est comme un cadeau du peuple russe, a soudainement annoncé que les Russes sur ce territoire sont une nation non-titulaire. Est-ce normal ? Tout cela a provoqué la décision de mettre un terme à la guerre que les néo-nazis ont déclenchée en Ukraine en 2014, par les armes.

Т. Carlson : Pensez-vous que Zelensky a la liberté de négocier une résolution de ce conflit ?

V. Poutine : Je ne sais pas. Il m’est difficile de juger des détails. Mais je pense qu’il l’a, du moins qu’il l’a eue. Son père a combattu les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, et je lui en ai parlé une fois. Je lui ai dit : “Volodya, que fais-tu ? Pourquoi soutiens-tu les néonazis en Ukraine aujourd’hui, alors que ton père a combattu le fascisme ? C’était un soldat de première ligne.” Je ne dirai pas ce qu’il a répondu, c’est un autre sujet, et je pense que ce serait incorrect.

Mais pour ce qui est de la liberté de choix, pourquoi pas ? Il est arrivé au pouvoir parce que la population ukrainienne attendait de lui qu’il conduise l’Ukraine à la paix. Il en a parlé et a remporté les élections avec un énorme avantage grâce à cela. Mais ensuite, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, il a, à mon avis, réalisé deux choses. Premièrement, il vaut mieux ne pas se disputer avec les néonazis et les nationalistes, parce qu’ils sont agressifs et très actifs – on peut s’attendre à tout de leur part. Deuxièmement, l’Occident, avec à sa tête les États-Unis, les soutient et soutiendra toujours ceux qui combattent la Russie, c’est rentable et sûr. Il a donc adopté la position appropriée malgré la promesse qu’il avait faite à son peuple de mettre fin à la guerre en Ukraine. Il a trompé ses électeurs.

Т. Carlson : Pensez-vous que maintenant, en février 2024, il a la liberté de parler à votre gouvernement, d’essayer d’aider son pays d’une manière ou d’une autre ? Peut-il même le faire lui-même ?

V. Poutine : Pourquoi pas ? Il se considère comme le chef de l’État, il a gagné les élections. En Russie, nous pensons que tout ce qui s’est passé après 2014 est un coup d’État, et en ce sens, même le gouvernement actuel est entaché d’irrégularités. Mais il se considère comme président et, en tant que tel, il est reconnu par les États-Unis, le reste de l’Europe et pratiquement le reste du monde. Pourquoi ne pas le faire ? Il peut le faire.

Nous avons négocié avec l’Ukraine à Istanbul, nous nous sommes mis d’accord, il était au courant. De plus, le chef du groupe de négociation, M. Arahamya, je crois que c’est son nom, dirige toujours la faction du parti au pouvoir, le parti du président à la Rada, et il y siège toujours. Il a même apposé sa signature sur ce document, dont je vous parle. Mais il a ensuite déclaré publiquement au monde entier : “Nous étions prêts à signer ce document, mais M. Johnson, alors Premier ministre de Grande-Bretagne, est venu nous en dissuader et nous a dit qu’il valait mieux entrer en guerre avec la Russie. Ils nous donneraient tout ce dont nous avions besoin pour regagner ce que nous avions perdu dans les combats avec la Russie. Nous avons accepté cette proposition”. Sa déclaration a été publiée. Il l’a dit publiquement.

Peuvent-ils y revenir ou non ? Telle est la question : le veulent-ils ou non ? Et après cela, M. le président de l’Ukraine a publié un décret interdisant de négocier avec nous. Qu’il annule ce décret, c’est tout. Nous n’avons jamais refusé de négocier. On entend tout le temps : la Russie est-elle prête, la Russie est-elle prête ? Nous n’avons pas refusé ! Ils ont refusé publiquement. Eh bien, qu’ils annulent leur décret et qu’ils négocient. Nous n’avons jamais refusé.

Et le fait qu’ils se soient pliés à la demande ou aux supplications de l’ancien Premier ministre britannique, M. Johnson, je trouve cela ridicule et très, comment dire, triste. Car, comme l’a dit M. Arahamya, “nous aurions pu arrêter ces hostilités, arrêter cette guerre il y a un an et demi, mais nous avons été persuadés par les Britanniques et nous avons renoncé à le faire”. Où est M. Johnson aujourd’hui ? Et la guerre continue.

Т. CARLSON : C’est une bonne question. Pourquoi a-t-il fait cela ?

V. Poutine : Je ne sais pas, je ne le comprends pas moi-même. Il y avait une attitude générale. Pour une raison ou une autre, tout le monde avait l’illusion que la Russie pouvait être vaincue sur le champ de bataille – par orgueil, par simplicité de cœur, mais pas par grande intelligence.

Т. Carlson : Vous avez décrit le lien entre la Russie et l’Ukraine, vous avez décrit la Russie comme un pays orthodoxe, vous en avez parlé. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ? Vous êtes le dirigeant d’un pays chrétien, comme vous vous décrivez. Quel effet cela a-t-il sur vous ?

V. Poutine : Vous savez, comme je l’ai déjà dit, en 988, le prince Vladimir a fait le baptême, il a lui-même été baptisé en suivant l’exemple de sa grand-mère la princesse Olga, puis il a baptisé sa suite, et puis progressivement, sur plusieurs années, il a baptisé l’ensemble de la Russie. Ce fut un long processus : de païens à chrétiens, il a fallu de nombreuses années. Mais en fin de compte, cette orthodoxie, ce christianisme oriental, était profondément enraciné dans la conscience du peuple russe.

Lorsque la Russie s’est étendue et a absorbé d’autres peuples pratiquant l’islam, le bouddhisme ou le judaïsme, elle a toujours fait preuve d’une grande loyauté à l’égard de ces personnes pratiquant d’autres religions. C’est là sa force. Elle est absolument sans ambiguïté.

Et le fait est que dans toutes les religions du monde, que je viens de mentionner et qui sont des religions traditionnelles de la Fédération de Russie, en fait, les thèses de base, les valeurs de base sont très similaires, voire identiques. Et les autorités russes ont toujours traité avec beaucoup de soin la culture et la religion des peuples qui faisaient partie de l’Empire russe. C’est, à mon avis, la base de la sécurité et de la stabilité de l’État russe. En effet, tous les peuples qui habitent la Russie la considèrent en général comme leur patrie.

Si des gens viennent chez vous, disons, d’Amérique latine ou d’Europe (exemple encore plus clair et compréhensible), ils sont venus de leur patrie historique vers vous ou vers les pays européens. Mais les personnes qui pratiquent différentes religions en Russie considèrent la Russie comme leur patrie – elles n’ont pas d’autre patrie. Nous sommes ensemble, c’est une grande famille. Et nos valeurs traditionnelles sont très similaires. Quand je dis “c’est une grande famille”, chacun a sa propre famille, et c’est la base de notre société. Et si nous disons que la patrie et la famille sont très liées, alors c’est vrai. Car nous ne pouvons pas assurer un avenir normal à nos enfants et à notre famille si nous n’assurons pas un avenir normal et durable à l’ensemble du pays, à la patrie. C’est pourquoi le patriotisme est si développé en Russie.

Т. Carlson : Si je puis me permettre, les religions sont différentes. Le fait est que le christianisme est une religion non violente, le Christ dit : “tendez l’autre joue”, “ne tuez pas”, etc. Et comment un dirigeant peut-il être chrétien s’il doit tuer quelqu’un d’autre ? Comment peut-on réconcilier cela avec soi-même ?

V. Poutine : Très facilement, s’il s’agit de se défendre et de défendre sa famille, sa patrie. Nous n’attaquons personne. Comment les événements en Ukraine ont-ils commencé ? Avec le coup d’État et le début des hostilités dans le Donbass – c’est là qu’ils ont commencé. Et nous défendons notre peuple, nous-mêmes, notre patrie et notre avenir.

Quant à la religion en général, vous savez, ce n’est pas dans les manifestations extérieures, ce n’est pas en allant à l’église tous les jours ou en se frappant la tête sur le sol, c’est dans le cœur. Elle est dans le cœur. Et nous avons une culture centrée sur l’homme. Dostoïevski, qui est très célèbre en Occident en tant que génie de la culture russe, de la littérature russe, a beaucoup parlé de cela – de l’âme russe.

Pourtant, la société occidentale est plus pragmatique. Un Russe, un habitant de Russie pense davantage à l’éternel, aux valeurs morales. Je ne sais pas, vous ne serez peut-être pas d’accord avec moi, mais la culture occidentale est plus pragmatique. Je ne dis pas que c’est mauvais, cela permet au “milliard d’or” d’aujourd’hui de faire de bons progrès dans la production, même dans la science, etc. Il n’y a rien de mal à cela, je dis simplement que nous nous ressemblons, mais que notre conscience est légèrement différente.

Т. Carlson : Vous pensez donc que quelque chose de surnaturel est à l’œuvre ici ? Quand vous regardez ce qui se passe dans le monde, voyez-vous les œuvres de Dieu ? Vous dites-vous que je vois des forces surhumaines à l’œuvre ici ?

V. Poutine : Non, franchement, je ne pense pas. Je pense que la communauté mondiale se développe selon ses propres lois internes, et qu’elles sont ce qu’elles sont. On ne peut y échapper, il en a toujours été ainsi dans l’histoire de l’humanité. Certains peuples et pays s’élèvent, se multiplient, se renforcent, puis se retirent de l’arène internationale avec la qualité à laquelle ils sont habitués. Je n’ai probablement pas besoin de donner ces exemples : en commençant par les conquérants de la Horde, avec Gengis Khan, puis avec la Horde d’or, pour finir avec le grand Empire romain. Il semble qu’il n’y ait rien d’autre dans l’histoire de l’humanité comparable au grand Empire romain.

Néanmoins, le potentiel des barbares s’est progressivement accumulé, accumulé, et sous leurs coups, l’Empire romain s’est effondré, parce que les barbares sont devenus plus nombreux, ils ont commencé à se développer généralement bien, comme on dit maintenant, économiquement, ils ont commencé à se renforcer. Et ce régime, qui avait été imposé au monde par le grand Empire romain, s’est effondré. Cependant, il a fallu beaucoup de temps pour qu’il s’effondre – 500 ans, ce processus de décomposition du grand Empire romain a duré 500 ans. La différence avec la situation actuelle est que les processus de changement sont beaucoup plus rapides aujourd’hui qu’à l’époque du grand Empire romain.

Т. Carlson : Mais alors, quand l’empire de l’IA – l’intelligence artificielle – commencera-t-il ?

V. Poutine : Vous me plongez dans des questions de plus en plus complexes. Pour y répondre, il faut bien sûr être un spécialiste des grands nombres, de l’intelligence artificielle.

Les menaces qui pèsent sur l’humanité sont nombreuses : la recherche dans le domaine de la génétique, qui peut créer des surhommes, une personne spéciale – un guerrier, un scientifique, un athlète. Aujourd’hui, on dit qu’aux États-Unis, Elon Musk a déjà implanté une puce dans le cerveau d’une personne.

Т. Carlson : Qu’en pensez-vous ?

V. Poutine : Je pense qu’on ne peut pas arrêter Musk, il fera toujours ce qu’il pense être nécessaire. Mais nous devons négocier avec lui d’une manière ou d’une autre, nous devons trouver des moyens de le convaincre. Je pense que c’est un homme intelligent, j’en suis sûr. Nous devrions convenir avec lui que ce processus devrait être contrôlé et soumis à certaines règles.

L’humanité, bien sûr, devrait réfléchir à ce qui lui arrivera en relation avec le développement de ces dernières recherches et technologies en matière de génétique ou d’intelligence artificielle. Il est possible de prévoir approximativement ce qui va se passer. C’est pourquoi, lorsque l’humanité s’est sentie menacée par les armes nucléaires, tous les détenteurs d’armes nucléaires ont commencé à se mettre d’accord entre eux, parce qu’ils ont compris que leur utilisation inconsidérée pouvait conduire à un anéantissement complet, total.

Lorsque l’on comprendra que le développement illimité et incontrôlé de l’intelligence artificielle, de la génétique ou de toute autre tendance moderne, qu’il est impossible d’arrêter, continuera à faire l’objet de recherches, tout comme il était impossible de cacher à l’humanité ce qu’est la poudre à canon, et qu’il est impossible d’arrêter les recherches dans tel ou tel domaine, ces recherches continueront à être menées, mais lorsque l’humanité se sentira menacée, pour elle-même, pour l’humanité dans son ensemble, alors, je pense, il y aura une période pour se mettre d’accord au niveau interétatique sur la manière dont nous allons contrôler tout ça.

Т. Carlson : Merci beaucoup pour votre temps. Je voudrais juste poser une dernière question.

Evan Gershkovich, 32 ans, journaliste américain, est détenu depuis plus d’un an. Je voudrais vous demander si vous êtes prêt à le libérer pour que nous puissions l’emmener aux États-Unis ?

V. Poutine : Nous avons fait tellement de gestes de bonne volonté que je pense que nous avons épuisé toutes les limites. Personne n’a jamais répondu à nos gestes de bonne volonté par des gestes similaires. Mais nous sommes en principe prêts à parler du fait que nous n’excluons pas la possibilité de le faire avec une contrepartie de la part de nos partenaires.

Et quand je dis “partenaires”, j’entends avant tout les représentants des services spéciaux. Ils sont en contact les uns avec les autres, et ils discutent de ce sujet. Nous n’avons pas de tabou pour ne pas résoudre ce problème. Nous sommes prêts à le résoudre, mais il y a certaines conditions qui sont discutées par les canaux de partenariat entre les services spéciaux. Il me semble qu’il est possible de se mettre d’accord sur ce point.

Т. Carlson : Bien sûr, tout se passe depuis des siècles : un pays attrape un espion, le détient, puis l’échange contre quelqu’un d’autre. Bien sûr, ce ne sont pas mes affaires, mais ce qui rend cette situation différente, c’est que cette personne n’est certainement pas un espion – c’est juste un enfant. Il a certainement violé vos lois, mais ce n’est pas un espion et il n’espionne absolument pas. Peut-être fait-il partie d’une catégorie différente après tout ? Peut-être serait-il injuste de demander quelqu’un d’autre en échange ?

V. Poutine : Vous savez, on peut dire ce que c’est qu’un espion et qui ne l’est pas, mais il y a certaines choses qui sont stipulées par la loi. Si une personne obtient des informations secrètes et le fait sur la base d’une conspiration, cela s’appelle de l’espionnage. C’est exactement ce qu’il faisait : il obtenait des informations classifiées et secrètes, et il le faisait de manière clandestine. Je ne sais pas s’il a été entraîné là-dedans, si quelqu’un a pu l’entraîner là-dedans, s’il l’a fait de manière imprudente, de sa propre initiative. Mais en fait, cela s’appelle de l’espionnage. Et tout est prouvé, car il a été pris en flagrant délit lorsqu’il a reçu ces informations. S’il s’agissait de choses farfelues, inventées, non prouvées, ce serait une autre histoire. Il a été pris en flagrant délit d’obtention d’informations classifiées sur la base d’une conspiration. Comment qualifier cela ?

Т. CARLSON : Êtes-vous en train de dire qu’il travaillait pour le gouvernement américain, pour l’OTAN, ou qu’il était juste un journaliste qui a obtenu des informations qui n’auraient pas dû se trouver entre ses mains ? Je pense qu’il y a une différence entre les deux catégories.

V. Poutine : Je ne sais pas pour qui il travaillait. Mais je le répète une fois de plus : obtenir des informations secrètes sur la base d’une conspiration s’appelle de l’espionnage, et il travaillait dans l’intérêt des services de renseignement américains ou d’autres structures. Je ne pense pas qu’il travaillait pour Monaco, il est peu probable que Monaco soit intéressé par l’obtention de ces informations. Ce sont les services spéciaux qui doivent se mettre d’accord entre eux, vous savez ? Il y a des développements, il y a des gens qui, à notre avis, ne sont pas liés aux services de renseignement.

Ecoutez, je vais vous dire ceci : il y a un homme qui se trouve dans un pays, un pays allié des Etats-Unis, qui a liquidé pour des raisons patriotiques un bandit dans l’une des capitales européennes. Pendant les événements du Caucase, savez-vous ce qu’il [le bandit] a fait ? Je ne voudrais pas le dire, mais je vais quand même le dire : il a fait coucher nos soldats prisonniers sur la route, puis il leur a roulé dessus avec une voiture. Quel genre d’homme est-ce là, et est-ce seulement un homme ? Mais un patriote l’a liquidé dans l’une des capitales européennes. Qu’il l’ait fait de sa propre initiative ou non est une autre question.

Т. Carlson : Evan Gershkovich n’a rien fait de tel, c’est une toute autre histoire.

V. Poutine : Il a fait autre chose.

Т. Carlson : Ce n’est qu’un journaliste.

V. Poutine : Ce n’est pas un simple journaliste, je le répète une fois de plus. C’est un journaliste qui a reçu des informations secrètes sur la base d’une conspiration. Oui, c’est une toute autre histoire.

Je parle simplement de ces personnes qui sont essentiellement sous le contrôle des autorités américaines, où qu’elles soient en prison, et qu’il y ait un dialogue entre les services de renseignement. Cette question doit être traitée avec calme, sérénité et professionnalisme. Il y a des contacts, laissons-les travailler.

Je n’exclus pas que la personne que vous avez mentionnée, M. Gershkovich, puisse se retrouver dans son pays d’origine. Pourquoi pas ? Cela n’a pas de sens de le maintenir plus ou moins en prison en Russie. Mais laissons nos collègues américains réfléchir à la manière de résoudre les problèmes auxquels nos services de renseignement sont confrontés. Nous ne sommes pas fermés aux négociations. D’ailleurs, ces négociations sont en cours, et il y a eu de nombreux cas où nous sommes parvenus à un accord. Nous pouvons encore parvenir à un accord, mais nous devons simplement négocier.

Т. Carlson : J’espère que vous allez le libérer. Merci beaucoup, Monsieur le Président.

V. Poutine : J’aimerais moi aussi qu’il rentre chez lui en fin de compte. Je parle sincèrement. Mais, je le répète, un dialogue est en cours. Plus on médiatise ce genre de choses, plus il est difficile de les résoudre. Tout doit rester calme.

Т. Carlson : Honnêtement, avec la guerre, je ne sais pas si cela marchera ou pas. Si je peux me permettre de poser une dernière question.

Peut-être ne voulez-vous pas répondre pour des raisons stratégiques, mais ne craignez-vous pas que ce qui se passe en Ukraine ne débouche sur quelque chose de beaucoup plus grand et de beaucoup plus grave ? Et dans quelle mesure êtes-vous prêt, dans quelle mesure êtes-vous motivé pour appeler, par exemple, les États-Unis et leur dire : “Négocions” ?

V. Poutine : Écoutez, je l’ai déjà dit : nous n’avons pas refusé de négocier. Nous ne refusons pas, c’est le côté occidental, et l’Ukraine est certainement un satellite des États-Unis aujourd’hui. C’est évident. Je ne veux pas que cela ressemble à un blasphème ou à une insulte pour qui que ce soit, mais nous comprenons, n’est-ce pas, ce qui se passe ?

Un soutien financier – 72 milliards – a été accordé, l’Allemagne est en deuxième position, d’autres pays européens, des dizaines de milliards de dollars vont à l’Ukraine. Il y a un énorme flux d’armes.

Dites aux dirigeants actuels de l’Ukraine : écoutez, asseyez-vous, négociez, annulez votre décret stupide et asseyez-vous et négociez. Nous nous n’avons jamais refusé.

Т. Carlson : Oui, vous l’avez déjà dit. Je suis bien conscient, bien sûr, que ce n’est pas un blasphème. En effet, il a été rapporté que l’Ukraine a été empêchée de signer la paix sur l’ordre de l’ancien Premier ministre britannique, qui agissait selon les instructions de Washington. C’est pourquoi je vous demande pourquoi vous n’abordez pas directement ces questions avec l’administration Biden, qui contrôle l’administration Zelensky en Ukraine ?

V. Poutine : Si l’administration Zelensky en Ukraine a refusé de négocier, je suppose qu’elle l’a fait sur instruction de Washington. Maintenant, s’ils voient à Washington que c’est une mauvaise décision, qu’ils l’abandonnent, qu’ils trouvent une excuse subtile et qui n’offense personne, qu’ils trouvent une solution. Ce n’est pas nous qui avons pris ces décisions, ce sont eux qui ont pris la décision là-bas, qu’ils l’abandonnent donc. C’est tout.

Mais ils ont pris une mauvaise décision, et maintenant nous devons chercher un moyen de sortir de cette mauvaise décision, de faire marche arrière, de corriger leurs erreurs ? Ils en ont fait une, qu’ils la corrigent. Nous sommes pour.

Т. Carlson : Je veux m’assurer que je vous ai bien compris. Vous voulez donc parvenir à une solution négociée à ce qui se passe actuellement en Ukraine, n’est-ce pas ?

V. Poutine : C’est exact. Mais nous y sommes parvenus, nous avons créé un grand document à Istanbul, qui a été paraphé par le chef de la délégation ukrainienne. Sa signature est apposée sur un extrait de cet accord – pas tout le document, mais l’extrait. Il a apposé sa signature, puis il a dit : “Nous étions prêts à signer et la guerre aurait pris fin il y a longtemps, il y a un an et demi. Mais M. Johnson est venu et nous a dissuadés de le faire, et nous avons laissé passer l’occasion.” Nous l’avons manquée, nous avons fait une erreur, qu’ils y reviennent, c’est tout. Mais pourquoi devrions-nous nous démener et corriger les erreurs des autres ?

Je comprends, on peut dire que c’est notre erreur d’avoir intensifié les actions et d’avoir décidé, avec l’aide des armes, de mettre un terme à cette guerre, comme je l’ai dit, qui a commencé en 2014 dans le Donbass. Mais je vais vous faire remonter encore plus loin, j’en ai déjà parlé, vous et moi venons d’en discuter. Alors revenons à 1991, quand on nous a promis de ne pas élargir l’OTAN, revenons à 2008, quand les portes de l’OTAN ont été ouvertes, revenons à la déclaration d’indépendance de l’Ukraine, où elle s’est déclarée un État neutre. Revenons au fait que les bases de l’OTAN, les bases américaines, les bases britanniques ont commencé à apparaître sur le territoire de l’Ukraine, pour créer ces menaces à notre encontre. Revenons sur le fait qu’un coup d’État a été perpétré en Ukraine en 2014. C’est inutile, n’est-ce pas ? Nous pouvons renvoyer la balle à l’infini. Mais ils ont arrêté de négocier. C’était une erreur ? Oui. Réparez-la. Nous sommes prêts. Que faire d’autre ?

Т. Carlson : Ne pensez-vous pas qu’il serait trop humiliant pour l’OTAN de reconnaître maintenant le contrôle de la Russie sur ce qui était le territoire ukrainien il y a deux ans ?

V. Poutine : Je vous l’ai dit : laissons-les réfléchir à la manière de le faire honorablement. Il y a des options, il faut juste qu’il y ait un désir de le faire.

Jusqu’à présent, ils faisaient du tapage, ils criaient : nous devons obtenir une défaite stratégique de la Russie, une défaite sur le champ de bataille… Mais maintenant, apparemment, nous nous rendons compte que ce n’est pas facile à faire, si tant est que ce soit possible. À mon avis, c’est impossible par définition, cela n’arrivera jamais. Je pense que ceux qui contrôlent le pouvoir en Occident en ont pris conscience. Mais si c’est vrai et si cette prise de conscience a eu lieu, réfléchissez maintenant à ce qu’il faut faire ensuite. Nous sommes prêts pour ce dialogue.

Т. Carlson : Êtes-vous prêts à dire, par exemple, à l’OTAN : félicitations, vous avez gagné, maintenons la situation telle qu’elle est aujourd’hui.

V. Poutine : Vous savez, c’est le sujet des négociations : personne ne veut négocier avec nous, ou, pour être plus précis, ils le veulent, mais ils ne savent pas comment. Je sais qu’ils veulent le faire, je ne le vois pas seulement, je sais qu’ils veulent le faire, mais ils ne savent pas comment le faire. Ils y ont pensé, ils nous ont amenés à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Ce n’est pas nous qui en sommes arrivés là, mais nos “partenaires”, nos adversaires. Eh bien, qu’ils réfléchissent maintenant à la manière de renverser la situation. Nous ne disons pas non.

Ce serait drôle si ce n’était pas si triste. Cette mobilisation sans fin en Ukraine, l’hystérie, les problèmes internes, tout cela… Tôt ou tard, nous parviendrons de toute façon à un accord. Et vous savez quoi ? Cela peut même paraître étrange dans la situation actuelle : les relations entre les peuples seront de toute façon rétablies. Cela prendra beaucoup de temps, mais elles se rétabliront.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples inhabituels. Sur le champ de bataille, il y a un affrontement, un exemple concret : les soldats ukrainiens sont encerclés (c’est un exemple concret de la vie, des opérations de combat), nos soldats leur crient : “Il n’y a aucune chance, rendez-vous ! Sortez, vous serez en vie, rendez-vous !” Et soudain, en russe, en bonne langue russe, ils crient : “Les Russes ne se rendent pas !” – et tout le monde est mort. Ils se sentent toujours Russes.

En ce sens, ce qui se passe est, dans une certaine mesure, un élément de guerre civile. Et tout le monde en Occident pense que les combats ont définitivement séparé une partie du peuple russe de l’autre. La réunification se fera. Elle a toujours été là.

Pourquoi les autorités ukrainiennes déchirent-elles l’Église orthodoxe russe ? Parce qu’elle unit non pas le territoire, mais l’âme, et que personne ne pourra la diviser.

Pouvons-nous terminer ou y a-t-il autre chose ?

Т. Carlson : J’ai terminé.

Merci beaucoup, Monsieur le Président.

SOURCE : Site Internet du Kremlin

Histoire et Société https://histoireetsociete.com/2024/02/11/interview-du-president-russe-vladimir-poutine-avec-le-journaliste-tucker-carlson-texte-complet-fin/

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