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Vendémiaire

Blog d'actualité politique

"Dégage !", de René Merle (à propos de la Tunisie...)

Publié le 20 Janvier 2011 par René Merle/Tunisie/Commune de Paris/1848/Vendémiaire in France-Politique - société

aaa Vendemiaire drapeau 2011 Les saluts à la révolution tunisienne s’accompagnent chez beaucoup de démocrates français d’une grande espérance, confortée par ce qui gronde chez nos voisins européens. Notre peuple, las d’être dépossédé de ses acquis par une camarilla au service des grands possédants cyniques, las d’être trompé, humilié, manipulé par les hommes du pouvoir et les médias à leur solde, ne va-t-il pas, sans attendre l’échéance de 2012, se redresser et renvoyer ces parasites « aux poubelles de l’histoire » ?

L’histoire de France a été plusieurs fois porteuse de ces lames de fond, inattendues sur le moment, mais dont les historiens ont beau jeu, a posteriori, de pointer les conditions de maturation.

Le problème est qu’à plusieurs reprises, à la crête de l’enthousiasme de la victoire, cette victoire du peuple lui a été volée. Quand victoire il y a eu, comme en 1830, 1848, 1870… Car l’annonce de la défaite peut s’inscrire dans l’acmé même du mouvement, comme au plus fort de l’immense levée en masse de mai 1968, ou, d’une manière plus évolutive, dans la courte vie du Front Populaire de 1936, des espérances de 1944-1945...

À chaque fois, la phase ascendante du mouvement a été portée par l’explosion « spontanée » d’un rejet profond du système politique en place, par une condamnation violente de l’égoïsme des gros possédants, par un immense désir de justice et de fraternité. C’est sans doute aussi ce que nous vivons aujourd’hui.

Mais, à chaque fois, le mouvement a été immédiatement défait, ou s’est essoufflé jusqu’à la défaite, faute d’une volonté commune non sur ce qu’il convenait d’abattre, mais sur ce qu’il convenait concrètement de mettre en place, et sur les hommes à qui l’on pouvait confier cette mise en place. Et c’est bien ce que nous risquons de vivre demain.

 

Je ne prendrai que deux exemples.

 

N’est-il pas frappant que l’on retrouve, des années qui précédèrent 1830, 1848 et la Commune de Paris, à aujourd’hui, les mêmes condamnations du « capitalisme égoïste » (comme s’il pouvait en être autrement !) et la même confusion sur les moyens d’en finir avec ce système ? Associations, coopératives, disaient les utopistes et les Proudhoniens d’antan… Associations, coopératives, nous disent aujourd’hui quelques (plus tout à fait) jeunes loups du P.S, ou anciens du P.S comme le leader du P.G.

Dès les années 1840, les premiers communistes non utopiques se différenciaient de ces proclamations anticapitalistes véhémentes mais creuses, et de ces propositions de solutions : dans la jungle capitaliste, associations de travailleurs et coopératives pouvaient-elles devenir autre chose que des capitalistes collectifs ?

Et progressivement va prendre racine le projet de l’expropriation des capitalistes au profit d’une propriété publique, mise au service du plus grand nombre.

Dès les années 1890 en Allemagne, et dans les années 1930 en France, le débat a été vif au sein du parti socialiste, puis entre socialistes et communistes, sur la nature de cette propriété publique, sur le rôle des nationalisations en système capitaliste (les communistes les condamnaient alors), sur la différence entre service public et propriété nationale de/s moyens de production, sur la maîtrise étatique des grands moteurs de l’économie ? Il n’est sans doute pas inutile aujourd’hui, au regard des vides programmatiques,  au regard de la nébuleuse tentative de « dépasser le capitalisme », de revisiter ces débats, dont l’écho s’est poursuivi jusqu’à l’élaboration du Programme commun de 1981.

 

Très directement liée à cette première question, se pose la question de l’élaboration populaire collective, la question du contrôle populaire collectif, au plan national, d’une politique économique et sociale novatrice au service du plus grand nombre. À travers quelles modalités, à travers quels filtres associatifs et/ou politiques ? Dans quel rapport avec les propositions des partis qui ne peuvent, qui ne doivent pas se borner à attendre tout des « gens », mais qui doivent ouvrir des perspectives…

 Et, corollairement, se pose la question de la nature du pouvoir qui mettrait en œuvre cette politique. À qui faire confiance ? Il est particulièrement inquiétant de constater, dans la folie contagieuse des ambitions présidentialistes actuelles, que même ceux qui condamnent le système le reproduisent en substituant à la vie démocratique d’une organisation, la volonté de reconnaissance d’un « chef ». D’autant que ce ou ces « chefs » autoproclamés n’ont pas le désir, ou le courage, de revisiter leur passé proche. Tout le monde a le droit de changer d’avis, surtout si c’est dans le bon sens, mais il est vraiment contre-productif de ne pas dire, par exemple : « oui, j’ai fait partie d’un gouvernement qui a précipité les privatisations, je n’ai rien dit, et j’ai eu tort ». Les chevaliers blancs ont trop de taches sur la tunique pour qu’on leur fasse crédit sur leur bonne mine…

 

René Merle

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F
<br /> <br /> Tout à fait d'accord avec ce texte! Un petit commentaire additionnel cependant concernant l'avant-dernier paragraphe relatif au rôle des partis politiques et leurs rapports avec les gens. Bien<br /> sûr, être à leur écoute, mais comme le dit très justement le texte ils se doivent d'apporter des perspectives. En principe le parti le mieux placé pour cette mission devrait être le PCF. Mais le<br /> peut-il désormais et surtout le veut-il?Toute la sémantique développée ces derniers mois sur le"progamme partagé" ne vise qu'à masquer son abandon des fondamentaux révolutionnaires.on oublie trop<br /> maintenant chez les adhérents du PCF qu'une lutte idéologique, ça se mène et si celle fait défaut alors l'idéologie collaborationniste consensuelle s'empare plus ou moins consciemment de la<br /> conscience populaire. Celle-ci, me semble-t'il, ne naît pas spontanément des conditions d'existence et encore moins du simple "débat", surtout quand celui-ci est de fait abandonné sur le terrain,<br /> je veux dire dans les grandes entreprises. Effectivement il est plus facie de "partager" un programme quand on se contente de prétendre "dépasser" le capitalisme plutot que de l'abolir. Au<br /> fait,  se" rend-on bien compte qu'on ne"dépasse" que ce qui va dans le même sens que soi? Encore une fois, merci à René Merle pour son énergique contribution, Vincent Ferrier<br /> <br /> <br /> <br />
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